Désert médical : la pilule de la restriction de la liberté d’installation des médecins va être dure à faire passer

PUBLIÉ LE :
Désert médical : la pilule de la restriction de la liberté d’installation des médecins va être dure à faire passer
fotolia

Une proposition de loi contre la désertification médicale, présentée par le député Guillaume Garot, vise à garantir à chaque Français l’accès à un médecin proche de chez lui. La solution proposée consiste à réguler l’installation des médecins dans les zones déjà fortement dotées.

Cette proposition a été rejetée en commission sociale à l’Assemblée nationale mercredi 10 janvier. Elle sera toutefois examinée en séance publique le jeudi 18 janvier.

Le constat du manque de généralistes et des disparités territoriales

Si le nombre total de médecins en activité depuis 2007 semble plutôt stable (216 000 en 2017), le nombre de médecins généralistes a baissé de 97 000 à 88 000 sur la dernière décennie.

Au-delà de cette baisse inquiétante en nombre, le Rapporteur de la proposition souligne la lourde charge de travail pour les médecins en poste et le problème de l’âge moyen de ces praticiens, dont la moitié serait proche de 60 ans. Or, nombre de nouveaux médecins n’acceptent plus des horaires trop étendus et des nouveaux médecins semblent plus attirés par le statut de salarié.

En outre, depuis 2013, les inégalités s’aggravent entre territoires. Les députés considèrent donc que le problème majeur est celui de la répartition des médecins.

Au 1er janvier 2017, la densité moyenne des médecins en activité régulière pour l’exercice libéral et mixte est de 142,6 médecins pour 100 000 habitants. Avec des écarts significatifs entre les départements à faible densité comme l’Indre (94,1) et l’Orne (98,3) et ceux à la plus forte densité comme les départements des Alpes-Maritimes (234 médecins pour 100 000 habitants) et de Paris (272,2 médecins pour 100 000 habitants).

La Cour des comptes avait noté dans son rapport sur l’avenir de l’assurance maladie de novembre 2017 que les plus fortes inégalités de répartition étaient infra-départementales : les concentrations de professionnels de santé libéraux étant à la fois littorales et urbaines ; les zones délaissées, rurales et suburbaines.

Diverses mesures d’incitation à l’installation ont été engagées par les collectivités locales. Mais, les politiques incitatives n’ont pas produit les effets escomptés.

La solution de la régulation des installations

Face à l’échec des précédentes mesures, l’objet de la proposition est alors d’essayer la solution de la régulation par un conventionnement sélectif. Cette idée a déjà été avancée dans le rapport de la Cour des comptes de novembre 2017.

Pour le rapporteur de la proposition, dans certains territoires bien pourvus, l’installation n’est pas nécessaire et l’Assurance maladie ne conventionnerait plus sur ce secteur où les besoins sont satisfaits. Pour le député, la liberté d’installation du médecin n’est pas remise en cause, puisqu’il ne s’agit pas d’une obligation de s’installer à un endroit, mais d’un refus de conventionnement dans des zones sur-denses.

Guillaume Garot a d’ailleurs déposé un amendement pour préciser que des spécialistes pourraient s’installer en zone sur-dense, mais uniquement en secteur 1. Il reconnait ainsi que même dans les zones bénéficiant de nombreux médecins, il peut être difficile d’échapper aux dépassements d’honoraires car la plupart sont conventionnés en secteur 2.

Il rappelle enfin que la régulation existe pour d’autres professionnels de santé : pharmaciens, infirmiers, kinésithérapeutes…

Les articles suivants 2 et 3 de sa proposition portent sur la mise en place du tiers-payant intégral dans les maisons de santé. A l’Etat, avec les organismes complémentaires, de valider un procédé technique qui garantira la bonne marche de ce tiers payant intégral.

Les contre arguments ayant entraîné le rejet de la proposition en commission

Les députés de la majorité ont rappelé que la Ministre de la santé venait d’initier un plan d’accès territorial basé sur le dialogue avec l’ensemble des partenaires de santé. La majorité ne veut pas prendre le risque de braquer ces professionnels.

La Ministre de la santé, dans sa réponse aux propositions similaires de la Cour des Comptes, avait expliqué que si le conventionnement sélectif fonctionne pour des professions dont la démographie est dynamique, dans un cadre conventionnel négocié (infirmiers, sages-femmes...), son efficacité n’est pas démontrée pour toutes les professions de santé, notamment médicales, compte tenu de l’absence de zones sur-denses en médecine générale, et ne serait envisageable que par une remise en question profonde des relations conventionnelles.

Pour certains députés, le remède serait pire que le mal et détournerait plus encore les étudiants en médecine de la médecine de ville.

En ce qui concerne le tiers-payant, les députés ont mis en avant le rapport de l’IGAS, selon lequel la généralisation intégrale du tiers payant n’est pas réalisable techniquement à ce jour. De plus, un nouveau rapport sur le sujet doit être remis en mars 2018.

Les débats conclus par un rejet de la proposition

Des discussions en cette commission sociale, il ressort que les députés ruraux alertent sur l’insuffisance dramatique de médecins et spécialistes, mais ceux des agglomérations s’inquiètent des carences dans certains arrondissements et périphéries, ceux du littoral déplorent aussi des difficultés pour trouver un spécialiste, même ceux de Paris avancent que le nombre de généralistes chute dans la Capitale (l’lle de France a perdu 15,5 % de généralistes depuis 2010).

A écouter tous ces débats, s’il semble effectivement que la situation soit particulièrement grave dans certains secteurs, mais elle apparaît problématique sur l’ensemble du territoire.

Un député posa une question piège : quel député va considérer que son secteur comprend trop de généralistes ou de spécialistes et voter pour aboutir à la fin du conventionnement sur son territoire ?

Cet article issu de Previssima.fr est soumis au droit d'auteur, protégé par un logiciel anti-plagiat. Toute reproduction, rediffusion ou commercialisation totale ou partielle du contenu, sans l’autorisation expresse de la société Previssima, est interdite. Les informations diffusées sur Previssima.fr (hors forum) sont toutes vérifiées par un service juridique spécialisé. Toutefois, Previssima ne peut garantir l'exactitude ou la pertinence de ces données. L'utilisation des informations et contenus disponibles sur l'ensemble du site ne peuvent en aucun cas engager la responsabilité de Previssima.