Dès 2026, l’indemnisation AT-MP pourrait prendre en compte le déficit fonctionnel permanent (PLFSS 2025)

La semaine passée, le gouvernement a transmis au Sénat le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), en application de l’article 47-1 de la Constitution. Le texte reprend tel quel la révision des règles d’indemnisation des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP).
La mesure propose d’intégrer dans l’indemnisation des AT-MP la couverture du déficit fonctionnel, tant en cas de faute inexcusable de l’employeur qu’en son absence.
Décryptage.
Prise en compte des jurisprudences du 20 janvier 2023
Dans deux arrêts du 20 janvier 2023, la Cour de cassation procède à un revirement de jurisprudence notable en jugeant qu’en cas de faute inexcusable de l’employeur ayant entraîné un accident du travail, la rente majorée dont a droit la victime ne répare plus le déficit fonctionnel permanent.
Cette solution, particulièrement favorable aux salariés, leur donne la possibilité de faire valoir en justice une réparation distincte visant à réparer les souffrances physiques et morales découlant de cet accident.
Les partenaires sociaux, dans un ANI du 15 mai 2023 relatif aux AT-MP, avaient alors demandé au législateur de « prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que la nature duale de la rente AT/MP ne soit pas remise en cause ».
Le gouvernement avait pris en compte cette demande dans le PLFSS pour 2024, via l’intégration d’une mesure visant à redéfinir les règles de calcul de la rente de manière à ce qu’elle prenne en compte la réparation du préjudice fonctionnel, avant de faire marche arrière sous la pression des organisations syndicales et patronales.
Le PLFSS pour 2025 intègre une nouvelle proposition de réforme
L’article 24 du texte initial prévoit « d’améliorer l’indemnisation en cas d’AT-MP et de mieux prendre en compte le préjudice personnel » :
- Il crée un nouvel article dans le code de la Sécurité sociale, qui poserait le principe selon lequel l’indemnisation de l’incapacité permanente est duale: elle comprend celle due au titre de l’incapacité professionnelle et celle due au titre de l’incapacité fonctionnelle ;
- Il modifie les dispositions actuellement applicables, en précisant que les indemnités en capital et la rente viagère AT-MP indemniseraient, dès lors, à la fois :
- Le préjudice économique, ou professionnel, correspondant à la perte de gains professionnels, et à l’incidence professionnelle de l’incapacité ;
- Et le préjudice non-économique correspondant au déficit fonctionnel permanent, à savoir les dommages corporels et moraux persistants après la consolidation.
- Il adapte les règles de l’indemnisation complémentaire en cas de faute inexcusable de l’employeur (rente et capital) :
- En cas d’indemnisation sous forme de rente, la majoration porterait sur la part indemnisant le préjudice professionnel et le préjudice fonctionnel :
- La part professionnelle de la rente majorée serait au plus égale au taux d’incapacité multiplié par le salaire réel de la victime ;
- La part fonctionnelle de la rente sera au plus égale à l’intégralité du forfait d’indemnisation du préjudice, c’est-à-dire du produit du nombre de points d’incapacité fonctionnelle et de la valeur de point du référentiel de l’article L.434-2, inspiré du référentiel Mornet utilisé par les juridictions civiles. Les employeurs fautifs auront donc à leur charge la part du DFP non couvert par la rente de droit commun.
- En cas d’indemnisation sous forme de capital, le montant de la majoration ne pourrait dépasser le montant de ladite indemnité.
- En cas d’indemnisation sous forme de rente, la majoration porterait sur la part indemnisant le préjudice professionnel et le préjudice fonctionnel :
Conséquence de l’article 24 du PLFSS : le déficit fonctionnel permanent sera couvert par la rente. Il ne sera donc plus possible d’obtenir une réparation intégrale auprès du juge judiciaire.
Si cet article était adopté, la mesure s’appliquerait aux assurés dont l’état de santé est consolidé à partir du 1er juin 2026.
À LIRE :