Cumul emploi-retraite : vers un gros coup de rabot sur le dispositif, jugé trop généreux (PLFSS 2026)

Le gouvernement Lecornu vient de présenter le budget de la Sécurité sociale pour 2026. Parmi les mesures phares : un durcissement du cumul emploi-retraite (CER). Ce dispositif permet aux retraités de reprendre une activité professionnelle tout en percevant – partiellement ou totalement – leurs pensions de retraite de base et complémentaire, sous conditions.
Si la réforme est adoptée, le CER serait profondément remanié à compter du 1er janvier 2027. Décryptage.
À quoi ressemble le cumul emploi-retraite aujourd’hui ?
Le dispositif actuel distingue deux formes de cumul emploi-retraite :
- Le cumul emploi-retraite intégral, ou total, qui permet de cumuler sa retraite avec ses revenus d’activité sans aucune limite, et d’acquérir de nouveaux droits à retraite. Pour y accéder, les conditions sont strictes. Il est nécessaire d’avoir liquidé toutes ses pensions de retraite, d’avoir atteint l’âge légal de départ à la retraite, et, surtout, d’avoir droit au taux plein.
- Le cumul emploi-retraite plafonné, ouvert aux personnes qui ne remplissent pas les conditions du cumul intégral. Ce CER n’ouvre pas droit à une seconde pension de retraite. Les revenus d’activité sont encadrés par un plafond variable selon le statut professionnel. En cas de dépassement, la pension de retraite peut être réduite à due concurrence.
À NOTER
La réforme des retraites de 2023 avait élargi les droits des retraités en cumul intégral, leur permettant de générer une seconde pension sous conditions grâce aux cotisations versées dans le cadre du CER. Avant cette réforme, ces cotisations étaient versées à fonds perdus, sans contrepartie en droits.
Réforme du CER : quels objectifs ?
La refonte du dispositif s’inscrit dans le prolongement du rapport de la Cour des comptes publié en mai 2025, intitulé « le cumul emploi-retraite : un coût élevé, une cohérence à établir ». Ce rapport faisait état de « l’existence de paramètres incohérents avec l’objectif de report de l’âge effectif de départ à la retraite, et d’une concurrence problématique du dispositif à l’égard de la surcote et de la retraite progressive ».
La Cour des comptes recommandait, à ce titre :
- D’améliorer la lisibilité du CER ;
- De réserver le régime du cumul intégral – qui permet l’obtention d’une seconde pension de retraite – aux personnes ayant dépassé l’âge du taux plein automatique (67 ans) ;
- Et d’écrêter les pensions de retraite pour les personnes en CER avant 67 ans pour limiter les effets d’aubaine.
Le PLFSS 2026 reprend ces orientations à la lettre.
Réforme du CER : ce que prévoit le PLFSS pour 2026
L’article 43 du PLFSS pour 2026 prévoit un système en trois étages, structuré autour de l’âge du retraité.
Si elle est adoptée, la mesure entrerait en vigueur au 1er janvier 2027, uniquement pour les personnes prenant leur retraite après cette date. Les retraités déjà en CER à cette date ne seraient pas concernés.
Avant l’âge légal (soit 64 ans à terme) : écrêtement à 100 % de la pension
Pour les personnes partant en CER avant l’âge légal de départ à la retraite – soit 64 ans à terme – il est proposé d’écrêter la pension de retraite à hauteur de 100 % des revenus en cas de reprise d’activité. Et ce, dès le premier euro.
Une traduction s’impose : en clair, cela signifie que chaque euro gagné en travaillant réduira la pension de retraite d’un euro.
EXEMPLE
Paul, 61 ans, prend sa retraite et reprend un emploi à mi-temps pour 800 € par mois. Sa pension de retraite sera immédiatement réduite de 800 €.
Cette mesure, explique la Cour des comptes, « pourrait convaincre certains assurés éligibles à la retraite anticipée pour carrière longue, mais désireux de continuer à travailler, de surseoir à la liquidation de leur pension. Elle limiterait ainsi l’effet d’aubaine pour certaines personnes qui cumulent avant 62 ans leur pension de retraite et un salaire élevé ».
Entre l’âge légal et 67 ans : écrêtement de 50 % au-delà d’un certain seuil
L’exposé des motifs de la mesure explique ce cas de figure en ces termes : entre l’âge d’ouverture des droits (64 ans à terme) et l’âge d’annulation de la décote (67 ans), la réforme prévoit un cumul emploi-retraite partiel. La pension de retraite serait ainsi écrêtée à hauteur de 50 % des revenus d’activité supérieurs à un seuil qui pourrait être fixé par décret à 7 000 euros de revenus d’activité par an.
En pratique :
- Jusqu’à un certain seuil de revenus – annoncé autour de 7 000 € par an – aucune réduction n’est appliquée: la pension de retraite serait versée en intégralité ;
- En revanche, si ses revenus dépassent ce seuil, une partie de sa pension de retraite sera « écrêtée » (c’est-à-dire réduite) à hauteur de 50 % du dépassement.
EXEMPLE
Julien, 65 ans, touche 1 400 € de retraite par mois (soit 16 800 € à l’année) et gagne 9 000 € par an en travaillant à temps partiel. Le seuil de revenus d’activité est fixé à 7 000 €, il le dépasse donc de 2 000 € (9 000 € – 7 000 €). L’écrêtement s’applique à hauteur de 50 % du dépassement, soit 1 000 € (2 000 x 50 %). Sa pension annuelle sera donc réduite de 1 000 € (pour un total de 15 800 €).
À noter que la Cour des comptes, dans son rapport de mai 2025, proposait un plafond plus souple, situé « entre 7 000 € et 10 000 € par an ». Elle suggérait également que ce plafond puisse être levé temporairement en cas de pénurie de main-d’œuvre, ou du fait de circonstances exceptionnelles comparables à la pandémie de Covid-19. Le décret d’application pourrait venir reprendre ces recommandations.
Après 67 ans : cumul intégral et création de nouveaux droits à retraite
À partir de l’âge d’annulation de la décote, soit 67 ans, le retraité pourra cumuler librement sa pension de retraite et ses revenus d’activité, sans écrêtement. Ce régime correspond au cumul emploi-retraite intégral tel qu’il existe aujourd’hui.
C’est également le seul cas de figure dans lequel le retraité pourra acquérir de nouveaux droits à retraite, grâce aux cotisations versées dans le cadre de son activité. Ces droits permettront de liquider une seconde pension, distincte de la première. Et, fait nouveau, cette seconde pension de retraite ne devrait plus être plafonnée, contrairement à ce qui se pratique aujourd’hui !
EXEMPLE
Jean, 68 ans, perçoit 1 600 € de retraite par mois et reprend une activité rémunérée 600 € par mois. Il conserve l’intégralité de sa pension et de ses revenus professionnels, soit un total de 2 200 € par mois. En outre, les cotisations versées durant cette période lui permettront de bénéficier d’une seconde pension de retraite.