Contrat de travail à temps partagé : vers une requalification en CDI classique en cas de non-respect du cadre légal

Dans sa décision rendue le 15 janvier 2025, la Cour de cassation précise la sanction applicable lorsqu’un contrat de travail à temps partagé ne respecte pas les conditions légales.
Désormais, un tel contrat peut être requalifié en CDI classique, même si le code du travail ne prévoit pas expressément cette sanction.
Le travail à temps partagé : un dispositif encadré
Le travail à temps partagé est conçu pour permettre à des entreprises, dites « utilisatrices », de disposer de personnel qualifié via une entreprise de travail à temps partagé (ETTP). Pour bénéficier de cette option, les entreprises utilisatrices doivent être dans l’incapacité de recruter, en raison de leur taille ou de leurs moyens.
Deux contrats sont nécessaires dans ce cadre :
- Un contrat de mise à disposition entre l’ETTP et l’entreprise utilisatrice ;
- Un contrat de travail entre l’ETTP et le salarié, contrat réputé à durée indéterminée.
Cependant, si les conditions légales ne sont pas respectées – par exemple, si l’entreprise utilisatrice a la possibilité de recruter directement – le cadre du temps partagé devient inapplicable.
Une requalification inédite en CDI de droit commun
Dans l’affaire jugée par la Cour de cassation, une comptable engagée en CDI par une ETTP avait été mise à disposition d’une filiale d’un groupe de plus de 500 salariés. Contestant son licenciement pour "fin de mission", elle a demandé en justice la requalification de son contrat de travail à temps partagé en CDI classique.
Les juges ont constaté que l’entreprise utilisatrice :
- N’était pas dans l’incapacité de recruter une comptable par ses propres moyens ;
- Ne prouvait pas l’existence de difficultés structurelles de recrutement à ce poste.
La Cour de cassation a ainsi confirmé la requalification du contrat en CDI de droit commun, estimant que le non-respect des règles du travail à temps partagé plaçait l’ETTP hors du cadre légal.
À noter : La requalification en CDI de droit commun transforme le contrat de travail. Au lieu d’être « réputé CDI » (un contrat signé avec l’entreprise de travail à temps partagé mais dépendant de missions temporaires chez des clients), le salarié devient directement rattaché à l’entreprise de travail à temps partagé (ETTP). Cela oblige l’ETTP à garantir un emploi stable et continu, même en l’absence de missions, avec toutes les protections d’un CDI classique. |
Un licenciement jugé abusif
La requalification du contrat a entraîné la nullité du licenciement pour « fin de mission », jugé sans cause réelle et sérieuse. L’ETTP a été condamnée à verser des indemnités au salarié.
Bien que le code du travail ne prévoie pas expressément la requalification en CDI classique dans ce cas précis, la Cour de cassation a choisi de l’appliquer, s’inspirant d’autres décisions où elle avait déjà prononcé des requalifications dans des contextes similaires (par exemple, pour les entreprises de travail temporaire).
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