Congés parentaux pour les couples de même genre : le Conseil constitutionnel saisi sur une possible inconstitutionnalité des règles actuelles

PUBLIÉ LE :
Congés parentaux pour les couples de même genre : le Conseil constitutionnel saisi sur une possible inconstitutionnalité des règles actuelles

Le 11 juin 2025, le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) concernant les articles L. 1225-35 du Code du travail et L. 623-1 du Code de la sécurité sociale, qui encadrent notamment les conditions d’ouverture et d’indemnisation du congé parental.

En cause : un dispositif de congé parental jugé discriminatoire, en particulier à l’encontre des couples d’hommes ou des couples de femmes séparées à la naissance de l’enfant.

Un congé établi selon des critères de genre et conjugaux

À noter : la QPC, c’est quoi ?

La Question prioritaire de constitutionnalité permet à toute personne engagée dans un procès de demander au juge de vérifier si une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution (comme l’égalité devant la loi).

Si la question est jugée sérieuse, elle est transmise au Conseil constitutionnel, qui dispose de 3 mois pour statuer. En cas de censure, la disposition contestée est abrogée.

Actuellement, en vertu des articles L. 1225-35 du Code du travail et L. 623-1 du Code de la Sécurité sociale, le congé de paternité peut être attribué :

  • Au père de l’enfant, salarié, quel que soit son lien avec la mère ;
  • Le cas échéant, au conjoint, concubin ou partenaire lié par un PACS à la mère, même si cette personne n’est pas le père biologique.

Ce régime reposant soit sur un lien de filiation (père), soit sur un lien conjugal avec la mère, il ne prévoit pas de droit propre pour une deuxième personne qui serait sans lien de filiation biologique et sans lien avec la mère qui a accouché.

Des conséquences inégalitaires selon la configuration familiale

En conséquence :

  • Dans un couple hétérosexuel, le père bénéficie du congé paternité. Si le père est absent ou inconnu, le concubin, conjoint ou partenaire PACSE de la mère peut en bénéficier ;
  • Dans un couple de femmes, la conjointe de la mère qui a accouché peut prétendre au congé maternité ;
  • Mais dans un couple d’hommes, un seul congé est possible : celui du père reconnu par l’état civil. Le second parent, notamment dans le cadre d’une GPA (gestation pour autrui) à l’étranger, ne peut pas en bénéficier, faute de lien biologique maternel.

Le conjoint de la mère peut obtenir le congé, mais pas le conjoint du père dans une configuration homoparentale.

Alors que dans les autres configurations familiales, deux congés parentaux peuvent être accordés, les couples d’hommes ne peuvent cumuler qu’un.

Congé parental en cas de séparation : une inégalité pour les mères d’intention

Le cadre légal actuel engendre d’autres effets d’éviction, dans des situations examinées actuellement par le Conseil constitutionnel.

En cause : une mère d’intention dans un couple de femmes séparées ne dispose d’aucun droit propre au congé, contrairement à un père séparé, qui le conserve en vertu de son lien de filiation avec l’enfant, indépendamment de toute cohabitation avec la mère.

En d’autres termes, la mère d’intention (qui n’a pas porté l’enfant mais qui en a reconnu la filiation ou a participé au projet parental) n’est éligible au congé parental que si elle vit avec la mère qui a accouché, au moment de la naissance. Si la séparation est intervenue avant, elle n’entre dans aucune des hypothèses prévues par la loi : elle n’est ni père, ni partenaire de la mère au sens des articles L. 1225-35 du Code du travail et L. 623-1 du Code de la Sécurité sociale.

La reconnaissance conjointe anticipée établit la filiation, mais la loi sur le congé parental ne retient pas la filiation comme seul critère d’ouverture du droit, sauf si la personne est « le père ». Or, le texte parle bien du « père » et non de « tout parent » ou « tout titulaire d’un lien de filiation ». Même avec une filiation légalement établie, une mère d’intention n’est pas assimilée à un « père » au sens des articles cités.

Ainsi, le droit actuel ouvre un congé autonome au père par le seul effet de la filiation (même s’il ne vit pas ou plus avec la mère), mais ne prévoit aucune équivalence pour un second parent femme, ce qui crée une asymétrie au détriment des familles homoparentales féminines séparées.

Une QPC née d’un contentieux porté par l’APGL

Cette QPC s’inscrit dans un contentieux porté par l’Association des Parents et futurs Parents Gays et Lesbiens (APGL), à l’encontre de deux circulaires de l’Assurance maladie publiées en 2024. Ces circulaires limitent l’accès au congé parental à un seul assuré social lorsqu’un enfant nait par GPA, c’est-à-dire lorsqu’un couple -souvent un couple d’hommes- devient parent grâce à ce qu’on nomme communément une « mère porteuse » dans un autre pays.

Dans ces cas-là, l’acte de naissance étranger peut reconnaître deux pères. Mais en droit français, il n’existe pas de mère sur l’état civil de l’enfant, et les textes actuels n’envisagent pas l’hypothèse de deux pères. En conséquence, un seul des deux peut bénéficier du congé de paternité, l’autre étant exclu, faute de cadre juridique adapté. C’est cette inégalité, fondée sur la structure familiale et le mode de filiation, pour lequel l’APGL a invoqué une QPC.

Les enjeux constitutionnels examinés par le Conseil

La QPC pose notamment la question de la conformité à la Constitution des textes encadrant le congé de paternité, au regard :

  • Du principe d’égalité devant la loi (article 1er de la Constitution, combiné à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789) ;
  • Du respect de la vie privée et familiale (article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme) ;
  • Potentiellement, du droit à mener une vie familiale normale, tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel dans sa jurisprudence.

La QPC pourrait donc conduire à une réécriture du droit positif, dans un sens plus inclusif, tenant compte de l’évolution des structures familiales.

Cet article issu de Previssima.fr est soumis au droit d'auteur, protégé par un logiciel anti-plagiat. Toute reproduction, rediffusion ou commercialisation totale ou partielle du contenu, sans l’autorisation expresse de la société Previssima, est interdite. Les informations diffusées sur Previssima.fr (hors forum) sont toutes vérifiées par un service juridique spécialisé. Toutefois, Previssima ne peut garantir l'exactitude ou la pertinence de ces données. L'utilisation des informations et contenus disponibles sur l'ensemble du site ne peuvent en aucun cas engager la responsabilité de Previssima.