Congé paternité en Alsace-Moselle : le maintien du salaire s’impose selon le droit local

Dans son arrêt du 27 mai 2025, la Cour de cassation confirme que le droit local d’Alsace-Moselle impose le maintien de salaire lors d’un congé de paternité, en application de l’article L. 1226-23 du Code du travail. Une décision qui réaffirme la portée particulière du droit local en matière de suspension de contrat.
Un régime local spécifique sur le maintien de rémunération en cas d’absence
L’Alsace-Moselle (Bas-Rhin, Haut-Rhin, Moselle) applique encore certains pans d’un droit local hérité de la période d’annexion allemande, entre 1871 et 1945. Parmi les dispositions relatives au droit du travail maintenues après le retour à la France, figure l’ancien article 616 du Code civil local. Aujourd’hui codifié à l’article L. 1226-23 du Code du travail, le texte prévoit que : « Le salarié dont le contrat de travail est suspendu pour une cause personnelle indépendante de sa volonté et pour une durée relativement sans importance a droit au maintien de son salaire ». Autrement dit, un salarié d’Alsace-Moselle conserve sa rémunération lorsqu’il est momentanément empêché de travailler pour une raison personnelle qu’il ne maîtrise pas, à condition que cette absence reste de courte durée.
Le litige : un congé paternité non rémunéré
Dans l’affaire jugée par la Cour de cassation, un salarié d’une entreprise implantée en Alsace-Moselle avait pris un congé de naissance à compter du 19 octobre 2021, puis un congé de paternité du 23 octobre au 16 novembre 2021. N’ayant perçu aucun salaire sur cette période, le salarié a saisi les prud’hommes pour obtenir un rappel de salaire sur la base du droit local.
De son côté, l’employeur a considéré que ce congé de paternité ne constituait pas un cas d’empêchement indépendant de la volonté du salarié, dans le sens où ce dernier aurait choisi volontairement de faire usage d’un droit, mais n’était pas contraint d’interrompre son activité. L’absence ne pouvait donc pas, à ses yeux, ouvrir droit à un maintien de rémunération.
Une absence brève, personnelle et non fautive, donc couverte
Or, le conseil de prud’hommes, puis la Cour de cassation, ont rejeté cette interprétation. Les deux institutions ont considéré que le congé paternité, bien qu’exercé volontairement, répondait à une cause personnelle indépendante de la volonté du salarié, sans faute de sa part, au sens de l’article L. 1226-23.
La Cour a ainsi rappelé que cet article impose de se conformer à l’esprit du droit local, à savoir : protéger la rémunération des salariés temporairement empêchés d’exécuter leur prestation de travail pour des raisons personnelles, même si l’absence en question est planifiée.
Une application cohérente avec la jurisprudence
Cette décision s’inscrit dans la lignée d’une jurisprudence constante en Alsace-Moselle : le maintien du salaire y a été reconnu des situations comparables telles que l’arrêt maladie, la garde d’enfant ou encore l’assistance à un proche malade. Dans ces cas-là, l’absence a été considérée comme personnelle, indépendante de la volonté du salarié, et de durée relativement courte -une notion laissée à l’appréciation du juge.
Sur la question temporelle, dans le cas du congé de paternité, la durée légale est de 25 jours calendaires (ou 32 jours en cas de naissances multiples), ce qui donne une référence des seuils habituellement tolérés par la jurisprudence pour qualifier une absence d’une durée « relativement sans importance ».