Complémentaire santé : le projet de « grande Sécu » ne fait pas recette

Dans une lettre de mission datée du 19 juillet dernier, Olivier Véran a chargé Pierre-Jean Lancry, le vice-président du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM), de mener « un travail technique approfondi avec l'appui d'un groupe de travail inter-administratif » sur plusieurs scénarios d'amélioration de l'articulation entre l’assurance maladie obligatoire et les organismes complémentaires envisagés par le HCAAM dans un précédent rapport. L’objectif : remédier aux difficultés structurelles rencontrées par le système actuel
Parmi ces scénarios envisagés, le renforcement de l’intervention de la Sécurité sociale, qui pourrait notamment se matérialiser par un décroisement des remboursements, voire, une absorption des complémentaires santé dans une « grande Sécu ». Cette dernière option, qui semble toutefois difficilement réalisable pour des raisons économiques et politiques, rendrait accessoire le rôle des organismes de complémentaire santé.
Le spectre d’une nationalisation du système de santé français n’est pas sans inquiéter les assureurs, à l’instar du groupe de protection sociale Malakoff Humanis, qui a commandé deux études au cabinet Elabe, la première sur la perception du système de santé par les Français, la seconde, sur le même sujet, mais par les chefs d’entreprise.
Parmi les constats les plus notables, 93 % des dirigeants et 78 % de l’ensemble des Français interrogés estiment que le système de santé actuel fonctionne bien ; une part sensiblement identique d’entre eux reconnaît la qualité des soins, l’efficience de la prise en charge des soins et la faiblesse du reste à charge en matière de dépenses de santé.
Par ailleurs, selon une grande partie des sondés (70 % des dirigeants et 62 % de l’ensemble des Français), les complémentaires santé ont une bonne gestion financière du système de santé… contrairement au régime obligatoire ; en effet, seuls 43 % des dirigeants et 39 % des Français dans leur ensemble pensent que l’Assurance maladie opère une bonne gestion financière du système de santé.
Les Français, dans leur écrasante majorité (86 %), estiment que l’existence de deux acteurs – Assurance maladie et complémentaires santé – est indispensable au bon fonctionnement du système de santé français, lequel correspond aux besoins et aux attentes de la population. En effet, pour les salariés, la prise en charge de l’employeur à hauteur de 50 % du coût de la complémentaire santé constitue un acquis social (78 %), le système actuel de santé permet d’avoir un reste à payer faible pour le patient, ce qui donne la possibilité à chacun d’avoir accès aux soins quelle que soit sa situation financière (74 %). Quant aux employeurs, ils estiment que les deux piliers - régime obligatoire/complémentaire - sont indispensables au bon fonctionnement du système de santé (91 %), qu’il est important que les employeurs puissent conserver la liberté de choisir la complémentaire qui correspond le mieux aux besoins de leurs salariés (91 %), ou encore, que la complémentaire santé d'entreprise permet aux entreprises de contribuer à l’amélioration de la santé des salariés (82 %).
L’idée d’une nationalisation du système de santé et de ce fait, d’une disparition des organismes de complémentaire santé, aurait effets délétères selon les répondants. Ainsi, 78 % des Français pensent que le coût de la santé augmentera ou que cela renforcera un système à deux vitesses, 76 % craignent que l’Assurance maladie n’ait pas les moyens de rembourser les soins au même niveau qu’aujourd’hui, les ¾ évoquent un nivellement vers le bas. De leur côté, 76 % des dirigeants d’entreprise, pensent que l’instauration de cette grande Sécu entraînerait une forte hausse des cotisations patronales pour maintenir le financement du système de santé, 71 % craignent le scénario d’un système de santé à deux vitesses, avec des entreprises qui auront les moyens de financer des surcomplémentaires et celles qui n’en auront pas les moyens.
En conclusion, le constat dressé par l’étude semble sans appel : une nationalisation du système de santé pourrait laisser craindre une dégradation de l’accès aux soins.
Le quinquennat touchant à sa fin, une réforme prochaine de l’Assurance maladie paraît improbable ; toutefois, le sujet pourrait se tailler une place de choix dans les débats présidentiels à venir.