Comment développer l’épargne salariale auprès des petites entreprises ?

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Dans le cadre de la campagne présidentielle, l’Institut de la protection sociale (IPS) présente 16 propositions de réformes aux candidats.
Rolland Nino
, Directeur général du groupe d’audit et d’expertise comptable BDO (France) et membre du conseil d’orientation scientifique de l’IPS, explique les propositions de l’Institut pour relancer la dynamique de l’épargne salariale en favorisant son développement dans les petites entreprises. L’IPS préconise une suppression temporaire du forfait social pour les entreprises de moins de 50 salariés, une formule de calcul de la participation plus adaptée à la réalité économique et une obligation d’instaurer un Plan d’épargne entreprise (PEE) dans les entités qui disposent d’un accord d’intéressement.

Previssima. - La loi de 2015 a réduit le forfait social de l’épargne salariale, pour les entreprises de moins de 50 salariés. Doit-on aller plus loin développer les dispositifs qui ont du mal à progresser dans les petites entreprises ?

Rolland Nino. - Depuis le 1er janvier 2016, les entreprises de moins de 50 salariés versant pour la première fois une prime d’intéressement ou de participation, ou recommençant à le faire après une interruption d’au moins 5 ans, bénéficient pendant 6 ans d’un taux de forfait social de 8 % au lieu de 20 %.

Cette mesure n’a pas été étendue aux primo-mises en place d’un plan d’épargne entreprise (PEE) ou d’un plan d’épargne retraite collectif (PERCO), ce qui est dommage car les plans d’épargne salariale sont les réceptacles nécessaires aux sommes versées dans le cadre de l’intéressement et de la participation. Il est donc impératif pour relancer la machine, de recourir à une incitation encore plus forte.

L’Institut de la protection sociale préconise d’exonérer de forfait social pendant 6 ans, toute entreprise de moins de 50 salariés mettant en place pour la première fois un contrat d’intéressement, de participation, un plan d’épargne entreprise (PEE) ou un plan d’épargne retraite collective (PERCO).

La mesure permettrait de rétablir l’équilibre entre les grandes et petites entreprises. Les dispositifs de participation, d’intéressement et de plan d’épargne salariale sont surtout présents dans les grandes et moyennes entreprises. En 2014, 92,6 % des salariés étaient couverts par au moins un dispositif d’épargne salariale dans les entreprises de 500 salariés ou plus, et 72,7 % dans celles de 50 à 499 salariés. Ils n’étaient que 16,8 % dans les entreprises de moins de 50 salariés pour lesquels ces dispositifs ne sont pas obligatoires.

Cette mesure ne ferait rien perdre à la Sécurité sociale. Cette dernière ne percevait rien à ce titre auparavant et continuera à ne rien percevoir pendant 6 ans. Mais au terme des 6 années elle sera gagnante, puisqu’elle se mettra alors à engranger du forfait social, ce qui n’aurait pas été le cas autrement, sauf si l’entreprise dénonce les accords, ce qui sera rare.

Toutefois, pour faire rentrer des sommes équivalentes dans les caisses de la Sécurité sociale, l’IPS propose d’explorer la piste d’une forte extension du champ de la taxe sur la publicité, accompagnée par le passage de son taux de 1 % à 2 % puis à 3,5 % et enfin 5 %.

Pour dynamiser l’épargne salariale auprès des petites entreprises, vous proposez aussi de réviser la formule légale de calcul de la participation. Pour quelle raison et de quelle façon ?

Le calcul de la participation repose en effet sur une formule légale qui date de l’ordonnance du 17 août 1967. Cette formule est la suivante :

RSP= ½ (B – 5%C) x S / VA (1)

Son objectif est d’attribuer aux salariés une quote-part du bénéfice fiscal après impôts, après rémunération des capitaux propres et en proportion du poids des salaires dans la valeur ajoutée.

L’entreprise peut recourir à une formule dérogatoire qui ne peut toutefois être moins favorable que la formule légale pour les salariés.

La formule légale de la participation doit être adaptée car elle ne convient plus aux réalités de gestion des entreprises, au poids déterminant des capitaux et à l’évolution quotidienne de la fiscalité. En effet, il y a une cinquantaine d’années, le tissu économique était bien différent de celui que nous connaissons aujourd’hui. Un grand nombre d’entreprises avait une orientation industrielle nécessitant de lourds moyens, et mobilisant par la même des capitaux propres importants.

Beaucoup de voix se sont élevées pour faire évoluer cette formule trop complexe, notamment pour les petites entreprises de moins de 50 salariés.

L’IPS préconise la formule de la participation suivante :

1/3 B x S/VA (2)

La DARES, dans un rapport d’octobre 2014, concluait que si cette formule alternative devait être mise en place :

  • 41 % des entreprises distribueraient moins de participation
  • 15 % distribueraient une participation équivalente
  • 44 % distribueraient plus de participation

Cette formule simplifiée fait consensus mais elle effraie les différents acteurs du fait de sa nouvelle distribution. C’est pourquoi le législateur devrait l’instiller progressivement sur cinq ans, en le faisant cohabiter avec la formule que nous connaissons aujourd’hui pendant cette durée. 

Pour soutenir le développement de l’épargne salariale vous proposez de revisiter le couple intéressement / PEE. De quelle façon ?

En effet, car les chiffres montrent que le dispositif de l’intéressement s’essouffle lentement. Entre 2010 et 2014, environ 212 000 salariés n’en n’ont plus bénéficié. Entre 2012 et 2014, la part des entreprises ayant un accord d’intéressement (14 % en 2014) est en baisse depuis deux ans, de 0,2 % chaque année. L’augmentation du forfait social de 8 à 20 % comme nous évoquions précédemment, a pu jouer sur les décisions des entreprises de renouveler ou non leurs accords en matière d’épargne salariale, en sachant que ceux-ci sont généralement signés pour trois ans. Par ailleurs, toujours en  2014, moins de 10 % des entreprises de moins de 50 salariés disposaient d’un contrat d’intéressement alors qu’elles étaient presque 60 % quand elles comptaient plus de 50 salariés. 

Depuis la loi d’août 2015, l'intéressement est affecté par défaut au PEE existant dans l'entreprise et bloqué sur une période de 5 ans. Le problème est que la grande majorité des salariés des petites entreprises - celles qui comptent moins de 50 salariés  - ne bénéficient pas de l’exonération d’impôt sur le revenu prévue lorsque la prime d’intéressement est versée dans le PEE. En effet, seulement 12,7 % des entreprises de moins de 50 salariés ont mis en place un plan contre plus de 70 % pour les entreprises de plus de 50 salariés.

Afin que les salariés puissent profiter de tous les avantages offerts par l’intéressement, il faut rendre la mise en place d’un PEE obligatoire quand l’entreprise dispose d’un contrat d’intéressement. En l’absence d’abondement, le coût pour l’entreprise serait limité aux frais de gestion du PEE, soit quelques dizaines d’euros pour une entreprise de moins de 10 salariés.

Calcul de la participation

(1) Formule actuelle de calcul de la participation : RSP= ½ (B – 5%C) x S / VA

  • 5%C représente le coût financier du capital et correspond certainement au rendement attendu du capital à l’époque
  • B est le résultat fiscal net d’impôt. En 1967, il existait peu de distorsions entre le résultat comptable et le résultat fiscal. Aujourd’hui, la fiscalité est si prégnante qu’à résultat comptable identique, elle influence notablement et de manière inéquitable le montant de la participation
  • Le coefficient « ½ » pourrait trouver son explication dans le taux de l’impôt sur les sociétés (50 % à l’époque). Aujourd’hui le taux de l’IS est de 33 1/3 % pour les grandes entreprises et de 15 % pour les autres
  • S/VA, ce rapport a pour objet de prendre en considération la part représentative du coût des salariés dans la valeur ajoutée. C’est-à-dire tel qu’il est fait mention dans l’ordonnance de 1967, « la part du travail dans l’activité de l’entreprise »

(2) Formule de calcul de la participation proposée par l’IPS : 1/3 B x S/VA

  • 1/3 représente la répartition égalitaire entre les 3 acteurs de la formation du bénéfice
  • B constitue le résultat comptable après impôt et avant participation
  • S/VA respecte la part du travail dans la formation de la valeur ajoutée

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