CIPAV et droit d’option : « Mieux vaut attendre de connaître les contours de la réforme des retraites »

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CIPAV et droit d’option : « Mieux vaut attendre de connaître les contours de la réforme des retraites »

Dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) 2018, l’article 15 a redéfini le périmètre d’affiliation de la Caisse interprofessionnelle des professions libérales (CIPAV). Désormais, une liste limitée de 19 professions, dites réglementées, restent affiliées à la CIPAV contre près de 400 auparavant.

Depuis le 1er janvier 2019, les professionnels libéraux qui créent leur activité, laquelle n’entre plus dans le nouveau champ de la CIPAV, sont obligatoirement inscrits à la Sécurité sociale pour les indépendants (SSI). Pour ceux affiliés à la CIPAV avant le 1er janvier 2019, la législation a instauré un droit d’option permettant leur transfert vers la SSI ; sans action de leur part, ils restent à la CIPAV. Ce droit d’option, définitif, peut s’exercer sur une période limitée, depuis le 1er janvier 2019 et jusqu’au 31 décembre 2023. Par ailleurs, il prend effet au 1er janvier de l’année qui suit la demande de transfert.

Sur la mise en œuvre du droit d’option, Previssima a interrogé Philippe Castans, Président de la CIPAV depuis 2015.

Previssima – Comment s’est déroulée la mise en place du droit d’option ?

Philippe Castans – Nous attendions la publication des trois textes réglementaires nécessaires pour permettre la mise en œuvre du droit d’option. Deux sont parus. Un premier décret précise le mécanisme de conversion des droits à la retraite complémentaire ; un deuxième décret énonce les taux de cotisation de retraite complémentaire spécifiques pour les assurés qui choisissent d’exercer leur droit d’option. Nous sommes toujours dans l’attente de publication du troisième texte qui devrait préciser les conditions de liquidation des prestations de retraite de base par les caisses de la Sécurité sociale pour les indépendants.

Depuis la mise en place du droit d’option en janvier 2019, nous avons reçu très peu de demandes, toutefois nous manquons encore de recul pour en connaître la raison. Est-ce un manque d’information ou d’intérêt ?

Est-ce que le droit d’option est une opération intéressante pour les assurés ?

En règle générale, le dispositif n’est pas avantageux. Les assurés qui choisissent d’exercer leur droit d’option pour rejoindre la SSI ont deux possibilités. Ils peuvent disposer des mêmes taux de cotisation de retraite complémentaire que les autres indépendants ou opter pour les taux spécifiques définis par le décret mentionné, c’est-à-dire :

  • 0 % pour les revenus allant de 0 à 1 Plafond de la Sécurité sociale (PASS), soit de 0 € à 40 524 €
  • 14 % pour les revenus compris entre 1 et 4 PASS, soit de 40 524 € à 162 096 €

Or, même avec un taux nul pour les assurés qui perçoivent un revenu inférieur ou égal au PASS, l’opération n’est pas favorable. En effet, le législateur n’a pas tenu compte de la cotisation invalidité-décès qui est proportionnelle au revenu à la SSI, avec un taux d’1,3 %, et forfaitaire à la CIPAV avec 3 classes de cotisation : classe A : 76 € ; classe B : 228 € ; classe C : 380 €.

Nous avons mis en place un simulateur de cotisations sur notre site internet qui le démontre.
Par exemple, avec un revenu nul, et une classe A pour la cotisation invalidité-décès (76 €), les montants des cotisations annuelles de retraite complémentaire et les prestations sont plus intéressants à la CIPAV.

Que dites-vous aux assurés qui souhaitent migrer vers la SSI ?

Au-delà de l’avantage comparatif, nous conseillons aux assurés d’être patients, en particulier dans le contexte de la réforme des retraites. Ils ont 5 ans pour exercer leur droit d’option. De plus, le texte prévoit un décalage d’un an de l’exercice du droit d’option, c’est-à-dire en 2020 pour un assuré qui souscrit l’option en 2019. Or le projet de retraite universelle préparé par le gouvernement ne sera voté qu’en fin d’année.

Les assurés transférés en 2020 risquent donc de passer d’un régime en points (CIPAV) à un régime en annuités/trimestres (SSI) pour revenir à un régime en points après la réforme.

Une forte incertitude encadrant le projet de retraite universelle, nous conseillons aux assurés d’attendre que les contours de la réforme soient plus précis pour prendre la décision de basculer ou non à la SSI.

Que pensez-vous de la réforme des retraites ?

Nous n’y sommes pas opposés. On peut difficilement être fermé à une réforme qui prévoit de transformer des régimes de base en annuités en régime en points puisque nous sommes, nous-même, un régime en points (base et complémentaire).

Toutefois, se poseront trois questions fondamentales :

  • D’abord le taux de rendement du futur régime : le régime complémentaire de la CIPAV est à 7 %, ce qui est relativement élevé par rapport aux autres régimes. Va-t-il devoir diminuer et sur quelle période ?
  • Le deuxième point concerne les réserves financières de la Caisse. Aujourd’hui, 5,7 milliards d’euros de réserves ont été constituées au fil du temps. Cette somme est le fait des conseils d’administration antérieurs qui ont décidé de ne pas affecter la totalité du produit des cotisations versées à une amélioration du montant des pensions, pour permettre d’assurer un équilibre financier à long terme. Grâce à cette politique, nous avons pu reculer l’horizon du premier déficit technique à 2038. Avec le régime universel, ces réserves seront-elles absorbées dans un pot commun ? Les administrateurs y sont très opposés. Est-ce que nos réserves doivent servir à financer des régimes qui n’ont pas fait les mêmes efforts de cotisation ?
  • Le dernier sujet c’est la gouvernance. Que va-t-il advenir des administrateurs de la CIPAV dans un régime universel, où le taux de cotisation, l’assiette, la valeur d’achat, la valeur de service du point et peut-être même le pilotage des réserves, pourraient être affectés à d’autres structures ?

Enfin, la bascule vers un régime universel avec un taux de cotisation de retraite de 28 % et une assiette de cotisation à 3 PASS augmenterait significativement le montant des cotisations des adhérents de la CIPAV.

Avec le droit d’option et le projet de retraite universelle, que va-t-il advenir de la CIPAV ?

Comme pour les autres caisses de professions libérales, se pose effectivement la question de la pérennité de notre organisme. Pour autant, à partir du moment où la volonté politique est de créer un régime universel, nous nous y inscrirons.

Nous souhaitons privilégier le dialogue et la négociation.

Qu’attendez-vous des pouvoirs publics ?

Nous voudrions discuter de la possibilité d’élargir le périmètre de nos activités et missions actuelles, notamment en ce qui concerne les produits de retraite supplémentaire et de prévoyance, secteurs pour lesquels nous estimons être pertinents. Pour développer ce type de prestations, les réserves constituées par la CIPAV pourraient servir de fonds d’amorçage.

Cette réforme nous offrirait la possibilité de nous restructurer autour de nouvelles activités

Par ailleurs, sur le volet financier, nous attendons une autre réponse de l’État.

Avec la LFSS 2018, le périmètre des professions qui sont affiliées à la CIPAV a été considérablement réduit. Aujourd’hui, nous n’encaissons plus les cotisations des professions libérales qui créent leur activité et qui ne font pas partie des professions relevant de la CIPAV. Pour autant, nous continuons à payer les prestations de ceux qui ont exercé une activité qui relevait de la CIPAV.

À terme, cette situation aggravera l’équilibre financier de la CIPAV, car notre système de retraite complémentaire fonctionne selon un mécanisme par répartition où les cotisations des nouveaux financent le paiement des retraites.

Actuellement, il est urgent de définir avec l’État une opération de transfert financier vers la CIPAV ; une discussion d’autant plus importante que nous estimons que ces transferts représentent 10 milliards d’euros.

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