Chômage partiel : quel sera le contrôle des entreprises ?

Pour les entreprises en difficulté en raison de la crise sanitaire et qui subissent une baisse d’activité, figure la possibilité de recourir à l’activité partielle. Largement généralisé par les pouvoirs publics, ce système est d’autant plus intéressant qu’il était pris en charge à 100 % par l’État, lors de la première vague de l’épidémie. L’allocation actuellement versée à l’entreprise s’élève à 60 % ou 70 % de la rémunération brute du salarié, selon que l’entreprise appartient à un secteur protégé ou non.
Une procédure simplifiée et des contrôles
La procédure de demande a été volontairement simplifiée pour permettre aux entreprises d’en bénéficier rapidement. Selon Elisabeth Borne, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion « plus de 9 millions de salariés en ont bénéficié au plus fort de la crise. » La ministre ajoute que « plus de 270 000 contrôles ont été menés depuis la mise en place du dispositif ».
À ce jour, ont été menés :
- Plus de 220 000 contrôles a priori
- 50 000 contrôles a posteriori (après le versement de l’indemnisation)
D’après les chiffres du Gouvernement, la fraude au total est évaluée à 225 millions d’euros dont plus de la moitié a déjà été bloquée ou récupérée sur un dispositif global de 30 milliards d'euros.
Les fraudes recherchées
Dans une instruction du 14 mai 2020, non diffusée à ce jour, la DGEFP et la DGT détaillent le plan de contrôle lancé par le ministère du Travail et listent les différents types de fraude à l’activité partielle :
- Salarié fictif: l’employeur déclare en activité partielle un salarié fictif, ou embauche un salarié et le place immédiatement en activité partielle avec un salaire important et rompt le contrat avant la fin de la période d’essai.
- Travail dissimulé: le salarié a continué de travailler pendant ses heures de chômage partiel, notamment en télétravail. Comme déjà indiqué dans l’instruction du 5 mai, le risque lié à du télétravail pendant des heures chômées peut, potentiellement, concerner en particulier les entreprises à majorité de cadres, les sièges sociaux, les activités de service, etc.
- Cumul congés (ou arrêt maladie) et chômage partiel
- Recours à la sous-traitance ou à l’intérim: mise en activité partielle des salariés et utilisation de la sous-traitance ou de l’intérim ou de la prestation de services internationale pour prendre temporairement en charge l’activité normalement réalisée par les salariés. Ce risque peut se rencontrer, par exemple, dans le secteur industriel, le secteur ferroviaire, l’aéronautique, les établissements non fermés.
- Nombre d’heures de chômage partiel déclarées: l’employeur déclare plus d’heures en activité partielle que les heures effectivement chômées, y compris le cas des salariés au forfait avec risque de gonflement des heures.
- Gonflement des salaires: l’employeur déclare des taux horaires supérieurs au réel.
- Production de faux : contrôle de la réalité de l’allocation reversée aux salariés par l’employeur. La fraude peut en effet se situer en bout de chaîne, au niveau du versement effectué par l’employeur au salarié.
Fraude à l’activité partielle : les risques encourus
L’instruction souligne que l’élément intentionnel constitutif de l’infraction doit être constaté. Un manquement de l’employeur ou une dissimulation doit être rapporté.
Les entreprises qui ont fraudé s’exposent à deux types de sanctions : pénales et administratives.
Sur le plan pénal, le délit de fraude ou de fausse déclaration est sanctionné pour les personnes physiques par une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 2 ans et une amende de 30 000 €. Ce montant est porté à 150 000 € pour les personnes morales.
Sur le plan administratif, l’employeur encourt les sanctions prévues en cas de travail illégal :
- Interdiction de bénéficier pendant 5 ans d’aides publiques
- Le remboursement de tout ou partie de celles déjà perçues au cours des 12 derniers mois précédent l’établissement du procès-verbal de constat de la fraude
En outre, les décisions d’autorisations de recours à l’activité partielle et d’indemnisation pourront être retirées par l’administration et par conséquent, l’employeur devra restituer les allocations d’activité partielle indûment perçues.
Enfin, le risque d’un redressement URSSAF est possible.
Les différents types de contrôles
Le ministère du Travail invite donc les DIRECCTES à accompagner les entreprises dans la régularisation de leurs demandes et à distinguer celles qui, de bonne foi, ont fait des erreurs dans leur demande d’indemnisation.
Le plan de contrôle prévoit trois types de vérifications :
- La détection et le croisement de données administratives via les contrôles embarqués dans les systèmes d’information et la possibilité à terme de croiser avec d’autres systèmes d’informations ou bases de données nationales
- Un contrôle sur pièces permettant de faire un examen du dossier et des documents nécessaires aux investigations : plannings des salariés, documents en lien avec les décomptes et les contrôles du temps de travail, les bulletins de paie ou encore l’avis du CSE
- Un contrôle sur place permettant de réaliser un contrôle approfondi d’une situation voire d’interroger directement le chef d’entreprise, des représentants du personnel et des salariés, par exemple en cas de suspicion marquée de fraudes ou de signalements