CFE : l’impôt qui peut faire très mal deux ans plus tard, si vos quelques mois de revenus sont annualisés
La Cotisation Foncière des Entreprises (CFE) est l’un de ces impôts locaux que beaucoup d’auto-entrepreneurs découvrent trop tard. Obligatoire dès la deuxième année d’activité, elle se calcule selon la valeur locative des locaux ou, à défaut, selon une base minimale de recettes fixée par sa commune.
Ce qu’il faut surtout savoir, c’est que la CFE s’applique avec deux ans de décalage. Un mécanisme qui semble simple sur le papier, mais qui réserve quelques effets pervers dans les faits, surtout pour celles et ceux qui créent leur statut en fin d’année. Explications.
Le calcul de votre base d’imposition se fait sur vos recettes en N-2
La CFE se calcule en principe sur la base de votre activité d’il y a deux ans : c’est la fameuse règle du « N-2 ». Par exemple, votre cotisation due en 2027 reposera sur le chiffre d’affaire de cette année (2025). Mais au moment de la création d’entreprise, ce mécanisme n’a pas encore de point d’appui : vous n’existiez pas, 2 ans plus tôt. L’administration fiscale doit donc trouver une base de calcul transitoire, et c’est là que les choses se compliquent.
La première année, une exonération trompeuse
Lors de l’année de création, vous êtes totalement exonéré de CFE.
L’année suivante, en revanche, la CFE devient exigible. Elle est alors calculée sur la base de votre première année d’activité, puisqu’il n’existe pas encore de « N-2 ». Une réduction automatique de 50 % s’applique toutefois sur cette base, pour alléger la première cotisation.
À partir de la 3ème année, le système du « N-2 » fonctionne enfin normalement : la CFE est calculée sur les revenus ou la base locative d’il y a deux ans, sans réduction cette fois.
▶ En l’absence de données antérieures, l’administration se base deux fois sur les revenus de votre première année (en N+1 et N+2). Et c’est là que tout se joue : il vous faudra être particulièrement vigilant à la façon dont cette année sera calculée.
Vigilance : le calcul de votre première année d’activité
En l’absence d’une base de référence à N-2 (puisque vous n’existiez pas encore), l’administration se base sur les chiffres de votre première année. Et ces chiffres, s’ils sont partiels, peuvent être « annualisés ».
Le piège de l’annualisation : un mois de travail peut en devenir 12
Imaginons que vous lanciez votre micro-entreprise en octobre 2025. Vous réalisez 1 500 € de chiffre d’affaires avant la fin de l’année. Pour l’administration, ce montant est considéré comme ¼ d’année. Alors, lorsqu’elle devra calculer vos recettes de l’année 2025, elle prendra ces 1 500 € et les annualisera sur 12 mois. Votre chiffre d’affaires 2025 deviendra alors, à ses yeux, 6 000 €.
Le problème ? Cette projection dépasse le seuil d’exonération de 5 000 € de chiffre d’affaires, et vous place donc dans la tranche imposable de CFE minimale. Résultat : vous paierez une CFE en 2027 (calculée sur 2025) comprise entre 243 et 579 € selon votre commune, alors même que votre activité réelle n’aura peut-être duré que quelques semaines ou mois, et qu’elle ne dépassait pas, initialement, le plafond de revenus des 5 000 €.
Ce mécanisme d’annualisation crée une double peine : non seulement vos quelques revenus de fin d’année sont gonflés artificiellement, mais cette même base « 2025 » servira deux fois, en 2026 (avec réduction de 50 %) puis en 2027 (à taux plein).
Exemple plus parlant encore : vous créez votre entreprise en octobre 2025, vous passez quelques temps sans clients et trouvez une mission en décembre, facturée 4 000 €. Peu importe si vous n’avez rien gagné avant, peu importe si vous ne gagnez rien l’année suivante : en 2027, l’administration prendra votre dernier trimestre 2025 (octobre-novembre-décembre), et l’annualisera en le multipliant par 4. Résultat ? Alors que vous n'avez gagné que 4 000 € en 2025, votre base d’imposition est désormais de 16 000 € sur l’année. Elle vous fait donc rentrer dans la seconde tranche d’imposition (de 10 001 à 32 600 €) en 2027, pour laquelle les cotisations vont de 243 € à 1 158 €.
Le seuil des 5 000 €, un faux sentiment de sécurité
Beaucoup d’auto-entrepreneurs pensent qu’en dessous de 5 000 € de chiffre d’affaires, la CFE n’est pas due. C’est vrai, mais seulement si l’administration considère que votre montant en N-2 est représentatif d’une année entière. Dès qu’elle procède à une annualisation, vous pouvez dépasser le seuil sans l’avoir réellement atteint.
▶ Autrement dit, on peut se retrouver redevable d’un impôt sur une activité presque inexistante en termes de temps et de revenus, simplement parce qu’elle a débuté trop tard dans l’année.
Pourquoi le calendrier compte autant
Tout cela fait donc du calendrier un véritable enjeu stratégique. Si votre projet de micro-entreprise ne doit démarrer qu’à la toute fin de l’année, mieux vaut reporter la création officielle au 1er janvier. Cela évite de générer un chiffre d’affaires partiel que le fisc étendra sur 12 mois.
Même logique si vous avez une mission ponctuelle ou un job de fin d’année : dans certains cas, il vaut mieux attendre le début de l’année suivante pour le réaliser et/ou le facturer. C’est un simple décalage, mais il peut vous faire économiser plusieurs centaines d’euros 2 ans plus tard.
Ce qu’il faut retenir
La CFE n’est pas qu’une formalité administrative, c’est un impôt à retardement qui peut surprendre, surtout lorsque l’on démarre son activité en fin d’année. Entre l’exonération temporaire, la réduction de 50 % et l’annualisation des premiers revenus, le décalage entre ce qu’on gagne et ce qu’on paie peut être brutal.
Pour éviter de subir cet « effet différé », il faut jouer avec le temps : créer son activité au bon moment, limiter les encaissements précoces et déclarer ou clôturer à la date juste. Un détail qui peut faire une vraie différence sur votre trésorerie en N+2.