Cancers, troubles cardiovasculaires, maladies psychiques… 40 nouvelles pathologies bientôt reconnues comme maladies professionnelles ?

Dans un avis rendu le 12 décembre dernier, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), préconise d’actualiser le tableau des maladies professionnelles en y ajoutant une quarantaine de nouvelles pathologies au total qui pourraient avoir « un lien avéré ou probable avec une exposition professionnelle ».
Parmi elles figurent notamment des cancers, les troubles cardio-vasculaires, les maladies psychiques et cognitives…
Qu'est-ce qu'une maladie professionnelle ?
Une maladie professionnelle (MP) est définie comme étant une affection liée à l’exposition plus ou moins prolongée de l’assuré, à un risque physique, chimique ou biologique, lors de l’exercice de sa profession. La maladie professionnelle peut également être causée par les conditions dans lesquelles le salarié exerce son activité professionnelle.
Il existe des tableaux des maladies professionnelles, recensant l’ensemble des pathologies liées au travail.
Lorsque le salarié est en arrêt de travail pour une maladie professionnelle, il peut percevoir une indemnisation sous forme d’indemnités journalières (IJ) ou de rente, versée pour compenser la perte de revenus.
Cependant, c’est notamment la reconnaissance de la maladie professionnelle, par la caisse d’Assurance maladie, qui va ouvrir des droits spécifiques à une rémunération ou à la prise en charge des soins de l’assuré.
Les maladies professionnelles sont recensées dans des tableaux
Les affections liées au travail sont recensées dans des tableaux des maladies professionnelles reconnues annexés au Code de la sécurité sociale et au Code rural et de la pêche maritime. Ces derniers sont fixés par décret et évoluent au fur et à mesure du développement des techniques et des progrès de la médecine.
Les tableaux des maladies professionnelles diffèrent, selon que le salarié est affilié au :
Ces tableaux des maladies professionnelles comportent 3 ou 4 colonnes :
- Colonne 1 : désignation de la maladie
- Colonne 2 : délai de prise en charge
- Colonne 3 : liste des travaux susceptibles de provoquer l’affection
- Colonne 4 : durée d’exposition au risque
Lorsque l’assuré concerné remplit l’ensemble des conditions administratives définies dans le tableau correspondant à sa maladie, il peut bénéficier d’une reconnaissance automatique. En d’autres termes, il n’a pas à apporter la preuve du lien entre sa maladie et son activité professionnelle, car ce lien est présumé.
Cependant, un certain nombre de tableaux existants ont été rendus obsolètes grâce à l’évolution des connaissances scientifiques et médicales. Une situation entraînant des difficultés d’accès à la reconnaissance en maladie professionnelle pour des salariés victimes de maladies indemnisables et contribuant in fine à la sous-reconnaissance globale des maladies professionnelles.
C’est dans ce contexte que la Direction générale du travail, la Direction de la sécurité sociale et le Secrétariat général du ministère en charge de l’Agriculture ont saisi l’Anses afin de disposer d’éléments scientifiques qui permettraient de justifier la mise à jour de ces tableaux. Toute révision des tableaux repose sur une décision de l’État après avis des commissions de maladies professionnelles.
Une quarantaine de maladies professionnelles ne faisant pas l’objet de tableaux
L’Anses a repéré une quarantaine de maladies ayant un lien avéré ou probable avec une exposition professionnelle ne faisant pas l’objet d’un tableau de maladie professionnelle.
Parmi ces maladies figurent des cancers affectant différents organes ainsi que des maladies non-cancéreuses, tels que les troubles cardio-vasculaires, les maladies psychiques et cognitives ou encore des pathologies respiratoires comme l’asthme.
L’Anses recommande d’inclure ce recensement de maladies dans la réflexion sur les priorités de travail des commissions de maladies professionnelles, afin d’engager le cas échéant des travaux d’expertise pouvant aboutir à la création de nouveaux tableaux de maladies professionnelles.
Plusieurs recommandations générales pour mettre à jour les tableaux
L’Anses propose des recommandations générales pour mettre à jour les tableaux existants. Elle identifie des améliorations pour chacune des trois colonnes définissant les conditions administratives de reconnaissance :
- La désignation de la maladie, qui décrit les symptômes ou pathologies que doit présenter le malade ;
- Le délai de prise en charge, c’est-à-dire la durée maximale entre l’arrêt de l’exposition et la première constatation médicale de la maladie ;
- Les travaux susceptibles de provoquer les maladies.
Pour la désignation de la maladie, les experts ont noté que certains tableaux requièrent des modalités de diagnostics médicaux qui ne sont plus réalisés aujourd’hui. Afin de tenir compte de l’évolution des pratiques médicales, l’Anses recommande de ne plus détailler les modalités de diagnostic et d’indiquer uniquement le nom de la maladie, accompagné le cas échéant de la formulation « confirmé par les examens recommandés par les sociétés savantes ou la Haute autorité de santé au moment du diagnostic ».
Concernant les délais de prise en charge, pour une même maladie, certains délais diffèrent entre les tableaux des régimes général et agricole et au sein d’un même régime. De plus, les délais sont dans certains cas trop courts pour réaliser les examens médicaux nécessaires pour constater la maladie. L’Agence préconise donc de vérifier l’ensemble des délais de prise en charge afin de les harmoniser et de les adapter aux modalités de prise en charge médicale à des fins de soin ainsi qu’aux délais d’apparition des maladies. L’Anses recommande par ailleurs de fixer un délai de prise en charge de 50 ans pour l’ensemble des cancers solides, c’est-à-dire hors cancers des cellules sanguines.
Enfin, les listes de travaux susceptibles de provoquer les maladies professionnelles sont parfois incomplètes et ne mentionnent pas toutes les activités actuellement connues pour être à risque, notamment celles exposant à des agents nocifs (agents chimiques ou physiques…). L’Agence préconise la mise en œuvre de listes indicatives et non plus limitatives pour pouvoir inclure des travaux entraînant des expositions comparables aux travaux listés. Elle préconise également d’explorer les enjeux de la poly-exposition dans le milieu professionnel et des interactions entre les expositions à l’origine de maladies multifactorielles comme les cancers et les maladies dégénératives.