Budget 2026 : les affections longue durée (ALD) dans le viseur du gouvernement

Pour faire des économies sur les finances publiques, le gouvernement envisage une révision du régime des affections de longue durée (ALD), qui permet à des millions de patients atteints de maladies chroniques de bénéficier d’une prise en charge presque intégrale des soins liés à leur pathologie.
Affections de longue durée : un dispositif sous pression budgétaire
Créé pour limiter le reste à charge des patients souffrant de pathologies chroniques telles que le diabète, certains cancers ou des troubles psychiatriques lourds, le régime ALD permet à 13,7 millions de français (soit près de 20 % de la population) de bénéficier d’une prise en charge quasi-totale des soins en lien avec leur pathologie chronique.
Mais dans le contexte actuel de recherche d’économies pour pallier le déficit de la Sécurité sociale (attendu à plus de 22,1 milliards d’euros en 2025), les ALD sont dans le viseur du gouvernement. Elles représentent en effet une part de plus en plus croissante des dépenses de l’Assurance maladie, phénomène qui s’explique par plusieurs facteurs :
- Le vieillissement de la population, qui augmente mécaniquement la fréquence des pathologies chroniques ;
- Les progrès médicaux, qui permettent de vivre plus longtemps avec des maladies autrefois rapidement mortelles, aujourd’hui « transformées » en ALD ;
- Un meilleur dépistage et diagnostic, qui entraîne une détection plus précoce et plus large des maladies concernées ;
- L’élargissement des critères d’éligibilité au dispositif ALD au fil des années, en réponse à l’évolution des connaissances médicales et aux attentes sociétales.
Selon les projections de l’Inspection générale des finances, l’enveloppe des ALD pourrait ainsi avoisiner les 16 milliards d’euros à l’horizon 2030.
Rémission complète : un critère à réévaluer ?
Intervenant sur Lundi c'est Politique le 2 juin 2025, le ministre chargé de la Santé et de l’Accès aux soins Yannick Neuder a évoqué l’éventualité d’un ajustement des conditions d’éligibilité au régime ALD, proposant notamment de suspendre le statut des patients considérés comme étant en rémission complète : « Est-ce que c’est un gros mot de dire que par moments il faudra réévaluer l’affection longue durée, quand par exemple un patient est considéré en rémission complète ? », a-t-il questionné, soulignant la nécessité de s’aligner sur les avancées thérapeutiques et le principe du « droit à l’oubli ».
Il précise également que les remboursements doivent rester strictement liés à la pathologie initiale du patient, afin d’éviter les prises en charge de soins ou médicaments jugés « non justifiées ».
Pour rappel :
Même si les soins liés à une ALD sont remboursés à 100 % par l’Assurance Maladie (les patients étant dispensés du ticket modérateur) cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y a aucun reste à charge. En réalité, ce remboursement intégral s’applique dans la limite des tarifs de base fixés par la Sécurité sociale, appelés « tarifs de responsabilité ». Certains frais restent donc exclus de cette couverture : les franchises médicales (coûtant 1 € par boîte de médicament, 2 € par consultation, 4 € par transport médicalisé), le forfait hospitalier (20 € par jour d’hospitalisation), ainsi que des éventuels dépassements d’honoraires dans le cas où un médecin pratique des tarifs supérieurs au tarif conventionné. Par ailleurs, les prestations de confort (comme une chambre individuelle à l’hôpital ou un accès à la télévision) n’étant pas considérées comme médicalement nécessaires, elles ne sont pas prises en charge au titre de l’ALD.
L’ALD permet donc une prise en charge totale des soins essentiels liés à la pathologie, mais certains frais réglementaires ou personnels restent à charge, sauf si une complémentaire santé les couvre. |
Vers une redéfinition du périmètre de prise en charge ?
Il faut savoir que la déclaration de Yannick Neuder s’inscrit dans une tendance déjà amorcée par le gouvernement précédent, qui avait affirmé la nécessité de moderniser un système conçu à une époque où les perspectives thérapeutiques étaient plus limitées. En 2024, l’ex-ministre de la Santé et de la Prévention Frédéric Valletoux avait en ce sens expliqué l’importance, selon lui, de revisiter la « pertinence » de ce régime, sans pour autant remettre en cause le principe d’égalité d’accès aux soins.
Dans son rapport sur les dépenses de santé publié en avril 2025, la Cour des comptes recommandait également des contrôles plus systématiques des prestations et une focalisation sur les soins véritablement justifiés par l’état clinique du patient.
Une réforme politiquement sensible
Toute évolution du régime des ALD s’annonce cependant délicate. En 2024, plusieurs associations de patients, comme France Assos Santé, avaient tiré la sonnette d’alarme en estimant qu’un recul de la prise en charge risquerait de creuser les inégalités d’accès aux soins pour des personnes particulièrement vulnérables. L’association avait déjà questionné certaines mesures comme l’augmentation des franchises médicales, jugée injuste pour les personnes atteintes d’une ALD. Selon elle, malgré l’absence de ticket modérateur, les patients se trouvent dans une situation déjà fragile : ils supportent des restes à charge souvent bien supérieurs à la moyenne, en raison de la fréquence et de la complexité de leurs soins. Au-delà des dépassements d’honoraires ou du forfait hospitalier, la nature de leur pathologie les oblige souvent à assumer des frais mal ou non remboursés : soins dentaires plus fréquents, matériel médical, médicaments spécifiques, mais aussi des coûts invisibles dans les statistiques, comme des produits d’hygiène, le recours à du soutien psychologique, ou encore des frais de transport récurrents.
Aujourd’hui, le ministre Yannick Neuder tempère les inquiétudes en affirmant qu’aucune économie ne sera réalisée « sur le dos de la santé des français ». Le gouvernement promet ainsi une concertation approfondie d’ici l’automne, dans le cadre du futur projet de loi de financement de la Sécurité sociale.