Barème Macron : la décision du Comité européen des droits sociaux pourrait relancer les débats

Les dernières décisions de la Cour de cassation, rendues le 11 mai dernier, semblaient avoir mis fin aux débats s’agissant de la conformité du barème d’indemnisation des salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse, aussi appelé « barème Macron », au droit international. Toutefois, selon les informations communiquées par le quotidien Le Monde, les conclusions du Comité européen des droits sociaux (CEDS) pourraient bien relancer la controverse. Pour cause : le 23 mars dernier, ce comité a jugé unanimement le barème Macron contraire la Charte sociale européenne.
Pour l’heure la décision n’a pas été rendue publique mais le sera, au plus tard, en septembre prochain.
Le barème français est contraire à l’article 24 de la Charte sociale européenne
La conclusion dégagée par le CEDS est le fruit d’une analyse poussée du dispositif légal français. Cette analyse l’a amenée aux 3 constats suivants :
- Les plafonds prévus par le barème sont trop bas : en effet, le comité retient que les plafonds d’indemnisation « ne sont pas suffisamment élevés pour réparer le préjudice subi par la victime et être dissuasifs pour l’employeur ».
- La marge de manœuvre du juge est insuffisante : il constate à ce titre que « le juge ne dispose que d’une marge de manœuvre étroite dans l’examen des circonstances individuelles des licenciements injustifiés ». Sa conclusion est la suivante : cela empêche le juge, dans certaines situations particulières, de pouvoir allouer une indemnité réparant le préjudice réellement subi par le salarié.
- Les alternatives au barème sont trop limitées : il rappelle qu’un barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse peut être conforme à la Charte sociale européenne s'il permet au salarié de demander réparation pour le préjudice moral subi par d’autres voies de droit. Selon le comité, cette possibilité n'est pas offerte par le barème français.
Finalement, pour le CEDS les indemnités prévues par le barème Macron « ne sont pas en rapport avec le préjudice subi et ne sont pas suffisamment dissuasives ».
La décision du CEDS n’a pas d’effet contraignant en France
Cette décision du comité, la Cour de cassation l’avait anticipée.
Pour rappel, en mai dernier la Cour de cassation avait, conformément à son avis de 2019, validé définitivement le barème en écartant toute possibilité d’y déroger, même au cas par cas, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Pour elle, le barème est conforme aux textes internationaux. S’agissant de la Charte sociale européenne, la Haute juridiction l’avait écartée considérant qu’elle ne peut pas être invoquée devant le juge car elle n’est pas d’effet direct en France dans les litiges entre particuliers.
A l’époque, le CEDS avait déjà été saisi de réclamations à l’encontre du barème français. C’est la raison pour laquelle, dans le communiqué accompagnant les arrêts du 11 mai 2022, la Haute juridiction n’avait pas manqué de préciser que les décisions que prendra le CEDS « ne produiront aucun effet contraignant, toutefois, les recommandations qui y seront formulées seront adressées au gouvernement français. ».
Elle rappelle ici un point important : les juges français ne sont pas liés par les décisions rendues par le CEDS. Toutefois, cette décision du 23 mars a été transmise au Comité des ministres du Conseil de l’Europe le 25 mai 2022. Elle pourrait aboutir à des recommandations faites au gouvernement français.
Les débats autour du barème semblent donc loin d’être entérinés.