Baisse de la natalité : l’approche préventive du gouvernement est-elle adéquate face au recul des naissances ?

Message de l’Assurance maladie aux 29 ans, bilans de prévention renforcés, amélioration de la congélation d’ovocytes… Le gouvernement est en train de réfléchir à une série de mesures dont l’objectif est de mieux informer et accompagner les Français face aux enjeux de fertilité.
Ce plan arrive dans un contexte de natalité en chute libre, mais dont les causes dépassent les seules problématiques médicales ou biologiques.
Un contexte de déclin démographique
Selon l’Insee, 663 000 bébés sont nés (vivants) en 2024, soit une baisse de plus de 2 % par rapport à l’année précédente. Il s’agit du chiffre le plus bas enregistré depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et le « solde naturel » -c’est-à-dire la différence entre naissances et décès- reste faiblement positif, avec à peine 20 000 naissances de plus que de décès.
Dans ce contexte, le gouvernement souhaite agir en faveur d'une meilleure prévention de l’infertilité et une information plus précoce sur les limites biologiques liées à l'âge.
Le plan d’action du gouvernement
La ministre Catherine Vautrin a ainsi proposé un plan pour « faciliter l'accès à la parentalité ». Elle insiste notamment sur le besoin urgent d'information, estimant que les Français méconnaissent les conséquences de l’âge sur la procréation, dans un contexte où l’âge moyen à la première naissance continue de reculer (31 ans en 2023 contre 29,4 en 2003).
Sensibiliser aux enjeux de fertilité dès le passage à l’âge adulte ?
Parmi les mesures prévues, chaque Français pourrait recevoir à 29 ans un message d'information de l'Assurance maladie relatif à la fertilité et aux risques d’infertilité. Ce point d'information s'ajoutera à un nouveau volet « santé reproductive » intégré aux bilans de prévention gratuits déjà proposés aux 18-25 ans.
L'objectif est d’identifier au plus tôt d'éventuels facteurs de risques (comme l’endométriose ou le syndrome des ovaires polykystiques), souvent diagnostiqués tardivement. En effet, plus de 3 millions de Français sont aujourd’hui concernés par des troubles de la fertilité.
Améliorer l’accès à la reproduction médicalement assistée
Outre la prévention, le gouvernement souhaite faciliter l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA), aujourd’hui confrontée à des engorgements dans la plupart de ses centres. La demande de congélation ovocytaire, notamment, connaît une forte hausse en raison :
- Du report de l’âge légal limite des projets de maternité ;
- Du fait que la congélation ovocytaire ne soit plus conditionnée à des raisons médicales ;
- À la suite d’avancées telles que l’extension de la PMA à toutes les femmes, votée en 2021. La PMA pour toutes a en effet entraîné un afflux de demandes sans que davantage de moyens matériels et humains ne soient déployés pour faire face à cette nouvelle population dans les centres.
En conséquence, la France compte aujourd’hui près de 170 centres d’AMP (aide médicale à la procréation), mais leur capacité est saturée, avec des délais d’attente qui explosent -si bien que certaines femmes décident de partir à l’étranger, notamment en Espagne, pour y accéder dans des délais qui ne se comptent pas en années.
30 nouveaux centres AMP d’ici 2027 ?
Pour remédier à cette situation, Catherine Vautrin affirme que 30 nouveaux centres pourraient être ouverts d’ici 2027. Le gouvernement souhaite par ailleurs garantir un accès à moins d’une heure du domicile dans la quasi-totalité des régions.
Par ailleurs, les plateformes PREVENIR, spécialisées dans l’accompagnement des couples présentant des risques pour la fertilité, seront déployées plus largement sur le territoire, avec de nouvelles implantations prévues à Rouen, Toulouse ou encore Nantes.
Un plan gouvernemental qui se présente comme « non-nataliste »
Face à ce plan d’action, la ministre Catherine Vautrin se défend de tout projet nataliste, précisant que l’objectif du gouvernement n’est pas d’inciter à faire des enfants plus tôt ou à tout prix, mais d’éviter les situations de regret (les « si j’avais su »), rappelant que le taux de réussite des fécondations in vitro reste modeste, à environ 35 % par tentative.
Pour autant, ces mesures interviennent dans un contexte où les discours politiques sous-tendent des considérations plus larges : rappelons-nous qu'en janvier 2024 Emmanuel Macron évoquait ainsi un nécessaire « réarmement démographique », formule qui avait suscité de nombreuses critiques.
Pourquoi fait-on moins d’enfants ? Quelques perspectives au-delà des motifs médicaux et biologiques
Mais finalement, pourquoi les naissances baissent-elles, en France comme dans de nombreux pays européens ? Il semblerait que la réponse ne réside pas uniquement dans la méconnaissance de la fertilité ou l’âge tardif de la maternité, mais aussi et surtout dans des explications sociales, économiques et culturelles.
Des raisons économiques et structurelles
La précarité de l’emploi, le coût du logement, la difficulté à concilier vie professionnelle et vie familiale, et le manque de services de garde accessibles sont des réalités largement évoquées par les jeunes générations. Pour beaucoup, fonder une famille représente un risque ou une charge trop lourde, surtout en l’absence de soutien étatique renforcé.
Dans son entretien pour Public Sénat, la directrice de recherches à l’Ined Anne Solaz rappelait par ailleurs que les femmes ont aujourd’hui moins d’enfants qu’avant, non parce qu’elles ne peuvent pas, mais parce qu’elles attendent d’avoir les conditions de vie qu’elles jugent nécessaires : un emploi stable, un logement, une relation solide. Des attentes qui sont particulièrement fortes chez les femmes au revenu médian : ce sont elles qui renoncent le plus souvent à avoir des enfants, faute de pouvoir concilier vie familiale et professionnelle. À l’inverse, les femmes les plus aisées disposent de solutions de garde, et les femmes plus précaires ont tendance à s’occuper elles-mêmes de leurs enfants, faute d’accès à une activité professionnelle. Ce serait donc les classes moyennes, qui seraient souvent prises en étau.
Une transformation du rapport à la famille
En outre, le modèle familial évolue, et le couple parental est une norme sociale qui est davantage questionnée. L’émancipation des femmes des injonctions à la maternité, l’individualisation des parcours de vie, la redéfinition plus large de ce qu'est le « bonheur personnel » et la volonté croissante de se réaliser autrement que par la maternité ou la paternité, jouent un rôle non négligeable dans la baisse de la natalité. Pour de plus en plus de personnes, ne pas avoir d’enfant est en effet un choix assumé, non un renoncement.
Le rôle des considérations éthiques
Enfin, des considérations écologiques et éthiques entrent également en jeu, dans le sens où certains renoncent à la parentalité par crainte d’un avenir incertain (crises climatiques, instabilités géopolitiques, épuisement des ressources…). Ce questionnement relève d’un changement de paradigme : faire un enfant n’est plus vu comme une évidence, mais comme une décision morale – à noter que si les inquiétudes liées au climat sont parfois évoquées, elles restent tout de même secondaires par rapport aux contraintes économiques.
Une réponse partielle à une question complexe
Le nouveau plan gouvernemental mise donc sur l’information, la prévention et l’accès à la médecine reproductive pour contrer la chute de la natalité. Des leviers qui sont utiles, mais qui ne suffiront pas à eux seuls à enrayer le recul du désir d’enfant. En effet, si le gouvernement se concentre sur les causes biologiques et les freins médicaux liés à la parentalité, la baisse de la natalité en France ne peut se comprendre uniquement sous cet angle. Pour que chacun puisse réellement choisir sa trajectoire de vie, y compris avec des enfants, il semble essentiel de prendre en compte d’autres problématiques : la sécurisation des parcours professionnels, l’accès au logement, l’aide et la qualité des services publics… tout en réfléchissant aux facteurs sociologiques et culturels qui permettent d’expliquer le recul du désir d’enfants et les nouvelles aspirations de certains citoyens.