Les médicaments seront moins bien remboursés avec le reste à charge zéro en optique, audioprothèse et dentaire

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Les médicaments seront moins bien remboursés avec le reste à charge zéro en optique, audioprothèse et dentaire

Optique, dentaire, audioprothèses : trois postes que la Sécurité sociale rembourse mal et pour lesquels le reste à charge des patients peut s’avérer élevé selon le niveau de couverture de leurs complémentaires santé. En 2016, les particuliers ont déboursé près de 3,3 milliards d’euros de leur poche, quasiment les mêmes sommes que pour l’hospitalisation.

Mais le gouvernement a tranché, ce seront bien la vue, les oreilles et les dents qui bénéficieront d’une offre de reste à charge zéro. Cette future prise en charge va demander des efforts à tous les acteurs – médecins, équipementiers, assureurs - et bien entendu la Sécurité sociale.

Pour Anne Marion, actuaire et fondatrice de la société Actuarielles, l’assurance maladie n’aura pas les moyens de faire des efforts supplémentaires pour financer le reste à charge zéro sans se désengager d’autres postes, notamment la pharmacie.

Previssima. - Le reste à charge zéro en optique, audioprothèses et dentaire était-il un chantier nécessaire ?

Anne Marion. - Non le reste à charge zéro est une hérésie surtout pour l’optique. Hérésie, d’abord, parce que nos études montrent que cela ne peut se faire à niveau de cotisation constant.

Hérésie, surtout, sur l’optique où un calcul arithmétique élémentaire démontre que des lunettes achetées sont moins chères que des lunettes assurées. A part pour les très fortes corrections et pour les enfants, la couverture de l’optique relève d’un besoin de financement et non pas d’un besoin d’assurance dans la mesure où il n’y a pas d’aléa sur ce poste.

Quant à la dépendance, son financement n’est toujours pas bouclé.

L’assurance maladie peut-elle financer un supplément de prestations dans le cadre du reste à charge zéro ?

Comment l’assurance maladie pourrait-elle financer le projet du reste à charge zéro alors que la situation de ses comptes n’est pas résorbée ? Aujourd’hui le régime général qui représente 99 % des régimes de base est déficitaire de 4 milliards d’euros.
En sachant que le poids du risque des personnes âgées augmente compte tenu de notre démographie et que la consommation médicale s’accroit avec l’âge, la situation ne peut pas s’améliorer.

Aujourd’hui, pour le régime de base, les frais de santé annuels commencent à 2 000 euros pour un nouveau-né et grimpent jusqu’à 10 000 euros pour un retraité de 85 ans. Si l’on se projette en 2026, les frais de santé passent à 12 000 euros pour un retraité au même âge. Résultat : avec des retraités qui vivent plus longtemps, un mauvais équilibre démographique et des dépenses de santé exponentiellement croissantes, la branche vieillesse de la Sécurité sociale a les mêmes problèmes que l’assurance vieillesse…en pire. Sans corrections tarifaire ou sur les prestations, le déficit va s’accroitre.

C’est donc clair, net et précis, même avec les idées les plus sociales possibles, il est impossible de penser que la Sécurité sociale ne va pas se désengager. Nous tenions le même discours il y a une dizaine d’années et le désengagement de la Sécurité sociale a bien eu lieu tandis des mesures comme le déclassement de certains médicaments ou encore la mise en place du forfait journalier. Or, dans le même temps, le chiffre d’affaires des mutuelles a doublé sur la période et leurs résultats ont stagné ; ce qui démontre que le désengagement – malgré une répartition constante des financements - a bel et bien déjà commencé.

Quels secteurs pourraient être abandonnés par la Sécurité sociale ?

La Sécurité sociale restera certainement un bon assureur sur l’hospitalisation. En revanche, nous anticipons un déremboursement sur la pharmacie, en sachant que cette piste est à l’étude au ministère, pour les médicaments délivrés sur ordonnance, soit environ 29 milliards d’euros.

A ce niveau, nous avons imaginé un désengagement probable et raisonnable sur les boites de médicaments à prix unitaire faible en prenant comme hypothèses que les boites remboursées à 65 % ne le seraient plus qu’à 30 % et que celles remboursées à 30 % ne le seraient plus qu’à 15 %. Nous n’avons pas appliqué de déremboursement sur les médicaments coûteux.

Sur ces bases nous avons établi que pour les boites dont le prix est inférieur à 3 euros, le transfert du régime de base vers les complémentaires santé s’élèverait à 500 millions d’euros. Sur les boites de médicaments à moins de 7 euros, ce seraient 1 milliard d’euros qui basculerait de la Sécurité sociale vers les complémentaires santé et sur celles de moins de 15 euros, le montant du transfert s’établirait à 2 milliards.

Ce déremboursement au niveau de la Sécurité sociale aurait pour conséquence d’augmenter en moyenne la cotisation des complémentaire santé, par exemple de 4 € si la Sécurité sociale se désengageait sur les boites de médicaments à moins de 15 €.

Reste une question : est-il utile d’assurer toute la pharmacie ? Nos travaux font ressortir qu’il vaudrait mieux ne pas rembourser certains médicaments à service médical rendu modéré et faible, ce que l’on appelaient auparavant les vignettes bleues et orange, compte tenu des économies réalisées en contrepartie sur les cotisations des complémentaires santé. Un système de franchise pourrait être envisagé qui engendrerait un réel bénéfice en termes de coût pour les complémentaires tout en évitant des restes à charge aux assurés trop importants.

Le vrai problème sera d’expliquer et de convaincre les Français de l’intérêt d’une telle réforme.

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