Attribution de l’AAH : un rapport de la Cour des comptes appelle à un contrôle plus accru

Dans un rapport publié ce lundi 25 novembre 2019, la Cour des comptes étrille la procédure d’attribution de l’Allocation aux adultes handicapés (AAH) dont le coût a bondi de 70 % en 10 ans, ce qui fait de l’AAH le 2e minimum social versé en France avec 1,2 million de bénéficiaires.
Les Sages critiquent la quasi inexistence de contrôle dans la procédure d’attribution de l’allocation qui est en outre attribuée sur des critères subjectifs, mais également l’absence de droit de regard de l’État qui ne devient que seul financeur de l’AAH.
Deux AAH distinctes
Pour la Cour, il faudrait faire la distinction entre deux AAH :
- « L’AAH-1 » : versée aux personnes présentant une incapacité reconnue supérieure à 80 % et donc, de ce fait, un handicap lourd. Le nombre de bénéficiaires croît à peu près au même rythme que la croissance démographique
- « L’AAH-2 » : s’adressant aux personnes dont l’incapacité est comprise entre 50 % et 79 % et qui sont considérées comme éloignées de l’emploi. L’augmentation du recours à l’AAH-2 est notable : + 7 % par an depuis 2008, soit près de 500 000 personnes actuellement concernées
Absence de contrôle dans la procédure d’attribution de l’AAH
Selon le rapport, « l’AAH est […] sensiblement moins pilotée, suivie et contrôlée que les autres minima sociaux, notamment le RSA ».
En effet, les Maisons départementales de personnes handicapées (MDPH) qui prennent les décisions relatives à l’AAH, font face à un nombre très important de demandes. Alors, afin d’accélérer leur traitement, elles ont mis en place un processus « industrialisé » : examen en 5 à 20 minutes du dossier du demandeur qui contient sa demande mais également un certificat médical rempli par un médecin « librement choisi », des vérifications « rares, voire exceptionnelles », etc. Cette procédure expéditive « présente un risque en termes de fraude », puisqu'elle ne permet pas de détecter « certificats de complaisance, faux dossiers (ou) fausses déclarations », fustige la Cour des comptes.
Des disparités d’attribution de l’AAH selon les départements
Alors que l'AAH est entièrement financée par l'État, le « droit de regard » de ce dernier, quant au mode d’attribution de l’allocation est « très limité, voire inexistant », relève la Cour. Ce qui peut conduire à des dérives.
En effet, les Sages pointent du doigt la grande disparité des taux d’attribution de l’AAH selon les départements de résidence, ce qui « pose un problème d'équité territoriale et d'égal accès aux droits ».
En cause notamment, un élargissement de la notion de handicap introduit par la loi du 11 février 2005. La situation de handicap est désormais « fondée sur une altération de fonction (qui peut concerner autant le psychisme que l’état physique) qui se combine avec des facteurs extérieurs ou environnementaux, indépendants de la personne, pour créer une entrave à l’autonomie ou affecter la vie quotidienne ou sociale » et non plus seulement sur « une incapacité objectivable à partir d’un diagnostic médical ». De ce fait, les critères d’attribution de la prestation peuvent manquer d’objectivité.
Autre difficulté, le Revenu de Solidarité active (RSA) relève, contrairement à l’AAH, de la compétence des départements et donc, « la coexistence de l’AAH et du RSA soulève nécessairement des enjeux d’équité dès lors que les montants unitaires servis au titre de la première sont sensiblement plus élevés que ceux servis au titre du second ». Alors que 25 % des nouveaux allocataires de l’AAH percevaient antérieurement le RSA, « les départements – [pourraient] avoir un intérêt financier immédiat à ce que l’AAH prenne en charge leurs allocataires du RSA, dont les difficultés sociales se combinent généralement avec des difficultés d’ordre psychosocial et peuvent désormais relever du champ du handicap tel qu’il a été redéfini en 2005 ».
Les recommandations de la Cour des comptes
La Cour des comptes a formulé 9 recommandations afin de lutter contre les dérives. Parmi elles :
- Conditionner l’attribution de l’AAH-2 à une prise en charge médico-sociale adaptée, quand celle-ci est possible
- Instaurer un entretien d’évaluation de l’employabilité préalablement à l’attribution de l’AAH-2
- Instituer a minima une contrevisite médicale obligatoire avant toute première attribution de l’AAH
- Mettre en place des mécanismes de contrôle de l’attribution à bon droit, en systématisant le contrôle interne au sein des MDPH et en créant une mission nationale de contrôle, compétente sur le plan médical
- Examiner en séance de CDAPH toute première demande d’AAH
- Donner la majorité des voix à l’État, en tant que financeur, en CDAPH pour les décisions relatives à l’AAH