AT-MP : l’exécutif abandonne sa réforme de l’indemnisation des salariés victimes

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 prévoyait de réformer, dans son article 39, la réparation du salarié en cas d’accident du travail ou de maladie professionnel (rente et faute inexcusable).
Face aux réactions virulentes d’associations et des syndicats, le ministère a annoncé aux partenaires sociaux que cette mesure était suspendue. Des amendements visant à supprimer l’article en cause seront donc adoptés par le Parlement.
Une rente duale
La mesure avait pour ambition de préciser et améliorer le régime d’indemnisation AT-MP en « garantissant la nature duale de la rente AT-MP, qui doit couvrir à la fois le préjudice économique et une part des préjudices extra-professionnels de la victime ».
De fait, la rente versée au salarié atteint d’une incapacité permanente en cas d’AT-MP aurait dû être composée de deux parts :
- Une part professionnelle visant à compenser la perte de gains professionnels et l’incidence de professionnelle de l’incapacité ;
- Et une part fonctionnelle, visant à compenser le déficit fonctionnel permanent du salarié victime.
En cas de faute inexcusable de l’employeur, l’article prévoyait de majorer ces deux parts.
Pour aller plus loin :
Réactions virulentes
Pour rappel, l’article 39 était censé concrétiser une demande des partenaires sociaux, comme l’explique l’exposé des motifs : « dans cet accord [ANI du 15 mai 2023], les partenaires sociaux insistent sur l’impératif d’apporter des évolutions à la réparation [AT-MP] pour y apporter des améliorations, lui rendre sa robustesse et assurer ainsi sa pérennité et appellent le législateur à prendre toutes les mesures nécessaires afin de garantir que la nature duale de la rente AT-MP ne soit pas remise en cause. »
Or, dans un courrier envoyé à la mi-octobre au ministère du Travail, cinq organisations syndicales de salariés constataient que la « transcription de l’accord national interprofessionnel (ANI) n’était pas en conformité avec ce que les partenaires sociaux avaient signé ». L’article tel que rédigé aurait en effet eu pour effet de réduire les indemnisations versées aux victimes d’AT-MP en cas de faute inexcusable de l’employeur.
Même constat du côté des organisations d’employeurs, qui expliquaient que l’ANI n’avait « pas entendu exclure la faute inexcusable de l’employeur ».
Face à ces réactions, Olivier Dussopt a envoyé un courrier aux partenaires sociaux, dans lequel il écrit que « les conditions d’une transposition intégrale et fidèle de l’ANI ne sont pas réunies. Son processus de transposition est donc suspendu pour laisser place à de nouvelles discussions entre partenaires sociaux. Le gouvernement soutiendra donc, dans le débat et la navette parlementaire, les propositions de retraite de l’article 39 ».