Approche genrée dans la prévention des risques professionnels : le guide de l’Anact pour accélérer une dynamique

Les femmes et les hommes n’occupent pas toujours les mêmes postes, ni les mêmes fonctions, et leurs conditions de travail diffèrent souvent. De ces différences découlent des expositions inégales aux risques physiques, chimiques ou psychosociaux, aux effets parfois très contrastés sur la santé mais encore trop rarement visibles dans les diagnostics classiques.
Pour aider les entreprises à mieux intégrer cette dimension dans leur démarche de prévention, l’Anact publie un guide méthodologique.
Une évaluation différenciée encore trop peu pratiquée dans les entreprises
L’article L. 4121-3 du Code du travail impose déjà que l’évaluation des risques prenne en compte « l’impact différencié de l’exposition au risque en fonction du sexe ». Dans la réalité, l’Anact constate cependant que l’évaluation différenciée des risques est peu pratiquée dans les entreprises. De fait, elle n’apparaît pas dans les DUERP. L’agence a donc pris l’initiative d’élaborer un guide méthodologique pour aider les acteurs de l’entreprise à structurer cette démarche d’évaluation différenciée.
Les emplois à prédominance féminine - dans les services, le soin ou la vente - sont souvent associés à une charge physique importante, à des gestes répétitifs ou à un contact permanent avec le public, autant de facteurs de pénibilité spécifiques.
Ces différences d’exposition entraînent aussi des impacts distincts sur la santé. Certaines contraintes, comme le port de charges ou l’exposition à des produits chimiques, peuvent avoir des effets différents selon le sexe, du fait de particularités physiologiques.
Sur le plan social, les femmes demeurent plus exposées aux comportements sexistes ou aux violences au travail, et continuent d’assumer la majorité des tâches familiales, ce qui accroît leur charge mentale et leur fatigue.
Une méthode globale pour un DUERP plus efficace
Pour parvenir à distinguer toutes ces subtilités qui pourtant peuvent avoir un impact important sur le lieu de travail, l’ANACT propose donc via son guide une méthode globale pour élaborer un DUERP « utile et exploitable ». Cette méthodologie s’exprime en plusieurs étapes :
- Créer un comité de pilotage mixte
- Associer femmes et hommes dès la conception de la démarche.
- Impliquer les représentants du personnel, la direction et les préventeurs.
- Identifier les risques au niveau de chaque unité de travail, en tenant compte de la répartition réelle des effectifs.
- Croiser les données démographiques et de sinistralité
- Ventiler par sexe les indicateurs d’âge, d’ancienneté, de statut d’emploi.
- Analyser les accidents du travail, maladies professionnelles et absences selon le genre.
- Repérer les écarts d’exposition pour cibler les actions de prévention.
- Analyser les situations à risque selon le genre
- Vérifier l’adaptation des locaux, équipements et outils aux deux sexes.
- Examiner la répartition réelle des tâches et les contraintes physiques associées.
- Évaluer l’organisation du temps de travail et son impact sur la vie familiale.
- Inclure les violences sexistes et sexuelles dans le DUERP
- Considérer ces violences comme un risque professionnel à part entière.
- Identifier les facteurs favorisant leur apparition (travail isolé, ambiance masculine, travail de nuit).
- Définir des mesures préventives : charte de tolérance zéro, formation des managers, dispositif de signalement.
- Enrichir le DUERP existant sans tout refondre
- Ajouter la méthode d’évaluation retenue et les données sexuées analysées.
- Intégrer les résultats des diagnostics différenciés par unité de travail.
- Faire du DUERP un outil vivant et inclusif, utile à tous les acteurs de l’entreprise.
Les écarts persistants entre femmes et hommes face aux risques professionnels
Dans son rapport, l’Anact souligne également un fait intéressant : « La baisse globale du nombre des accidents du travail (AT) de 11,1 % entre 2001 et 2019 correspond en fait à une baisse de 27,2 % pour la population masculine et à une hausse de 41,6 % pour la population féminine ».
Autre élément notable, les chiffres de la Drees montraient qu’à fin 2024, les données sur l’absentéisme pour la période 2010-2023 indiquent que « les arrêts maladie ont augmenté beaucoup plus fortement chez les femmes que chez les hommes ». Cet écart d’absentéisme serait en outre attribuable, non pas à la charge des enfants ou à la monoparentalité, « mais principalement aux contraintes de travail ».
À travers ses recommandations, l’Anact entend faire du DUERP un outil de prévention réellement partagé, prenant en compte la diversité des situations de travail et adapté à toutes et à tous. Il est d’ailleurs utile de rappeler que le Code du travail comporte très peu de dispositions distinctes selon le sexe, à l’exception de celles liées à la grossesse, au port de charges et à l’exposition au plomb.