Le RSA, la prime d’activité et les aides au logement bientôt réunies dans une « allocation sociale unique » ?

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Le RSA, la prime d’activité et les aides au logement bientôt réunies dans une « allocation sociale unique » ?

C’est une vieille demande de la droite que le gouvernement Lecornu vient remettre sur le tapis : regrouper plusieurs aides sociales en une seule allocation unique. Cette mesure permettrait à l’État de réaliser d’importantes économies de gestion, mais pourrait aussi faire un certain nombre de perdants. En effet, la fusion de ces différentes prestations pourrait entraîner une baisse de ressources pour 3,55 millions de ménages.

Allocation sociale unique : un projet de loi annoncé pour décembre

Vendredi 14 novembre, lors des Assises des départements de France à Albi, le Premier ministre Sébastien Lecornu a annoncé que le gouvernement déposerait en décembre un projet de loi instaurant une « allocation sociale unique ». Promise par Emmanuel Macron depuis 2018, cette réforme avait été confiée à Michel Barnier en 2024, puis à François Bayrou en début d’année, sans aboutir.

Si ses contours restent encore flous, cette future allocation aurait pour objectif de rapprocher le RSA, la prime d’activité et certaines aides au logement. Le gouvernement entend en faire « un projet de loi rapide », avec un texte présenté au Conseil des ministres au mois de décembre.

Sébastien Lecornu a insisté sur un point : les économies attendues ne porteraient pas sur les bénéficiaires eux-mêmes, mais sur la réduction des coûts de gestion. Il estime également cette réforme capable de « réconcilier beaucoup de gens de sensibilités politiques différentes ».

Une revendication ancienne de la droite

L’idée d’une allocation sociale unique n’est pas nouvelle. Elle est même régulièrement défendue par la droite depuis des années. Parmi ses promoteurs les plus actifs figure Laurent Wauquiez, président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale, qui préconise une allocation plafonnée à 70 % du SMIC pour lutter contre « l’assistanat ».

Du côté des associations de défense des plus précaires, on salue l’idée de simplification administrative, qui pourrait notamment permettre de réduire le taux de non-recours aux prestations sociales. Pour autant, on craint que cette fusion des allocations se traduise par une « harmonisation vers le bas », aux dépens des plus fragiles. Une crainte qui ne sort pas de nulle part.

3,55 millions de ménages lésés ?

L’un des documents de référence sur les effets possibles d’une allocation sociale unique reste le rapport de France Stratégie publié en 2018, réalisé à la demande d’Édouard Philippe, Premier ministre de l’époque. Ses conclusions, dévoilées alors par Le Monde, sont particulièrement éclairantes sur les risques d’un tel regroupement de prestations.

L’étude montre en effet que, si la réforme se faisait à enveloppe budgétaire constante, la fusion du RSA, de la prime d’activité, des aides au logement mais aussi d’autres minima sociaux (ASS, AAH, ASPA, ASI) dans une seule allocation pourrait provoquer plus de perdants que de gagnants.

Selon les simulations réalisées, 3,55 millions de ménages verraient leurs ressources diminuer, dont 1,5 million qui perdraient totalement leur droit à des prestations dans certains scénarios. À l’inverse, environ 3,3 millions de ménages bénéficieraient d’une hausse de revenus.

Les effets varient fortement selon les prestations touchées :

  • Les titulaires de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) compteraient deux fois plus de perdants que de gagnants.
  • Parmi les bénéficiaires des aides au logement, les perdants seraient légèrement plus nombreux, mais les gagnants verraient leurs ressources augmenter davantage que les pertes subies par les autres.
  • Les personnes percevant l’ASPA seraient nettement favorisées, avec « 3,3 fois plus de gagnants que de perdants », selon le rapport.

Le tout, avec des incidences différentes selon la configuration familiale ; les familles monoparentales et les couples avec enfant(s) seraient légèrement avantagés, quand le taux de pauvreté augmenterait pour les personnes seules (+1,6 point).

Ainsi, avec un barème dit « optimisé », la création d’une allocation unique n’aurait que peu d’impact sur le nombre de personnes sous le seuil de pauvreté (-0,1 point). En revanche, ce scénario « optimisé » rendrait le fait d’occuper un emploi plus avantageux qu’actuellement, où il peut arriver que travailler soit moins intéressant économiquement que percevoir des allocations. Or, inciter les bénéficiaires d’aides sociales à reprendre une activité fait partie des grands objectifs du gouvernement ces dernières années.

Parmi les différentes hypothèses modélisées par France Stratégie, seul le scénario ne différenciant pas les aides accordées aux locataires du parc privé de celles provenant du monde HLM permettrait de faire reculer le taux de pauvreté de 0,4 point.

Un difficile exercice d’équilibriste à prévoir

Pris ensemble, les travaux de France Stratégie rappellent qu’une allocation sociale unique n’est pas qu’un exercice de simplification administrative : c’est un rééquilibrage profond du système de solidarité, dont les effets varient fortement selon les barèmes retenus et la composition des ménages.

Pour le moment, Sébastien Lecornu n’a pas listé toutes les aides qui pourraient être fusionnées, ni précisé si cette allocation unique serait plafonnée comme le réclame Laurent Wauquiez.

Dans tous les cas, la fusion de prestations aussi différentes que le RSA, la prime d’activité ou les aides au logement ne pourra pas se faire en un claquement de doigts. Elle obligera le gouvernement à procéder à des arbitrages délicats : quels ménages protéger en priorité ? Quel niveau d’aide garantir ? Comment éviter que certains foyers, notamment les personnes seules, ne se retrouvent perdants ? Et comment concilier simplification, justice sociale et maîtrise budgétaire ?

C’est précisément ce faisceau de tensions que pointent les associations lorsqu’elles alertent sur le risque d’une « harmonisation vers le bas ». Le futur projet de loi dira si l’exécutif parvient à résoudre cette équation complexe, ou si l’allocation sociale unique retournera, une fois encore, dans le carton « boîte à idées » des LR.

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